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Le motif qui plaide surtout en faveur du cuirassé-monitor est l’économie sur le poids de la cuirasse. Si l’on calcule que le poids de la ceinture cuirassée n’est pas de moins de 60 tonnes par décimètre de hauteur, et qu’il faut à un navire 150 tonnes de plus de déplacement pour supporter un accroissement de charge de 60, on suppute facilement la différence entre les deux modèles. C’est, pour 1 mètre et demi de hauteur de ceinture en plus, 2 250 tonnes de déplacement à ajouter, sur le cuirassé-croiseur. Si tout se bornait là, le choix pourrait se faire sans hésiter ; mais le cuirassé-monitor craint, beaucoup plus que son rival, les coups de pont, surtout ceux des obus à grands explosifs atteignant les plages. L’augmentation de largeur du navire ne donne pas de poids de cuirasse appréciable ; une forte augmentation d’épaisseur des plaques qui couvrent les plages, au contraire, si elle est nécessaire, peut manger une grosse part du bénéfice sur le poids de la ceinture. La question exige ainsi, pour être complètement traitée et résolue, quelques expériences de polygone, depuis longtemps demandées et non encore exécutées.

Un argument décisif serait la différence des qualités nautiques, si l’immobilité du Henri IV sur mer agitée était bien établie, parce que la première qualité des navires de combat est de pouvoir tirer, et de tirer juste.

Laissant à l’avenir, parmi les problèmes en suspens, le choix du modèle de cuirassé, Henri IV ou Patrie, nous pouvons résumer, dans les termes suivans, le progrès qui résulte de l’évolution du système de protection contre l’artillerie : le danger du coup de canon mortel est, dans tous les cas et à tous égards, écarté dès à présent ; les bâtimens nouveaux sont assurés de soutenir le feu assez longtemps pour pouvoir rendre, avec usure, les coups qu’ils reçoivent.

Reste un autre danger grave, celui dont l’apparition du Gymnote en 1889 a annoncé l’approche, et dont la réalisation du programme des torpilleurs submersibles de 1895 a précipité la marche. Le système défensif, pour être complet dans le sens où nous avons cherché à l’établir, doit assurer la protection contre une torpille automobile, aussi bien que contre un projectile de grosse artillerie et une bordée de moyen calibre. L’étude de ce côté est en retard ; poursuivie depuis quinze ans avec de longues intermittences, elle est à reprendre avec plus de suite et surtout avec la volonté d’aboutir ; il n’y a pas à reculer devant la