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rester perpendiculaires à la voie ferrée et conserver rigoureusement leur alignement. Le fouillis inextricable du gaoliang (sorgho) et l’obscurité constituaient une difficulté sérieuse ; aussi un peu avant l’aurore, la première ligne ne se trouvait encore qu’à deux kilomètres des positions russes... Là elle s’arrêta et creusa de suite des tranchées pour se trouver protégée au lever du jour contre l’artillerie russe, éloignée de 2 300 mètres environ. Les bataillons disposaient, à cet effet, des outils de sac analogues aux nôtres et des outils de bataillon, portés par quatre chevaux de bât du train de combat. Le 30, à cinq heures et demie du matin, commence le duel d’artillerie, poursuivi toute la journée sans grand résultat. La 3e division reste terrée dans ses tranchées de la plaine sans bouger. La 5e division au contraire, profitant des abris naturels et de l’occupation du piton situé à la gauche russe, essaie d’attaquer. Elle est ramenée après avoir éprouvé des pertes considérables. » Dans la nuit du 30 au 31, la 5e division recommence l’attaque, et, cette fois, enlève d’assaut deux mamelons, qui furent pris et repris trois fois. Dans cette sanglante mêlée, deux compagnies du 41e sont détruites. Les survivans du 1er bataillon réussissent à se cramponner à la position. Ils sont renforcés par le reste du régiment et notre officier dilettante les a rejoints. Laissons-lui la parole : « — Vous arrivez bien, me dit le capitaine de la compagnie de tête ; le maréchal Oyama a prescrit, pour faciliter le mouvement enveloppant de la première armée, d’enlever la position russe avant la nuit. L’attaque générale va avoir lieu bientôt. Nous la seconderons tant bien que mal en fusillant ces tranchées en face de nous ; malheureusement, on n’a pu traîner de canons jusqu’ici.

« Confortablement installés derrière de gros rochers, nous braquons nos jumelles sur la plaine. Tout à coup, au revers d’un talus, une mince ligne jaune apparaît. Ce sont les fantassins japonais qui ont mis sac à terre et commencent l’attaque. Pour cette attaque, on a fractionné les lignes en petits groupes de douze à vingt hommes, placés sous le commandement d’un officier ou d’un gradé. A chacun de ces groupes, on a fixé le point de la position ennemie où il doit parvenir : c’est la seule indication qu’il recevra du commandement. La première ligne bondit hors des tranchées. Les chefs de groupes se jettent en avant, courant de toutes leurs forces jusqu’à la ride de terrain