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raux désignés par le préfet. Une des mesures les plus urgentes est de former une commission dont l’origine et l’autorité constituent une sécurité pour les intérêts qu’il s’agit de défendre[1]. Le Conseil général pourrait désigner un de ses membres et les candidats les quatre autres ; la délibération aurait lieu en présence des témoins des candidats. Une révision faite dans ces conditions par les cinq conseillers généraux ne risquerait d’être ni une source de fraude, ni une simple formalité.

Tel est en effet le double écueil que rencontre une législation électorale, lorsque les passions de partis sont fortes, et que la moralité est faible. On est trop souvent disposé à s’en prendre aux lois, alors que les hommes sont plus coupables que les textes. En aucune matière, il n’est plus vrai de répéter : Quid leges, sine moribus ? Si les citoyens étaient vigilans, s’ils veillaient à leurs intérêts, s’ils surveillaient les listes, réclamaient à temps les radiations et les inscriptions, s’ils se dévouaient à faire partie des bureaux électoraux, si, à côté des membres des bureaux se présentaient des gardiens volontaires de l’urne, contrôleurs du vote pour le candidat de leur choix, s’ils relevaient les erreurs, notaient les incidens, exigeaient l’insertion de leurs réclamations dans les procès-verbaux, s’ils se groupaient pour assurer le succès des protestations, leur activité réparerait les lacunes de la loi. C’est leur inertie, leur indifférence qui multiplie les défauts de notre législation. Au lendemain de la révolution, une expression était entrée dans nos lois qui eût mérité de survivre : les « citoyens actifs » étaient ceux sur lesquels était fondée la constitution. Sait-on assez ce que, dans nos élections générales, il y a de citoyens inactifs ? Laissons de côté tout ce qui pourrait être si justement dit, — et si à propos, — sur le devoir en temps d’élections. Ne prenons qu’un fait qui peut se traduire en un chiffre, ce qui est plus simple et ce qui a le mérite d’être irréfutable. Dans les élections générales en France, les abstentions oscillent entre 30 et 40 pour 100. Avions-nous tort de dire que nos concitoyens ne prenaient pas au sérieux le vote ?

Comment les convaincre que l’exercice du droit électoral n’est pas seulement un droit, mais un devoir ? Que de gens, dans

  1. Le projet voté par le Sénat, le 7 novembre 1905, confie au Conseil général la nomination directe des trois membres composant la Commission de recensement. Il faut aller plus loin et donner aux candidats le droit de choisir des arbitres.