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avait embrassé la Réforme. » Ni Ronsard, ni Amyoi, ni Du Bellay, ni Montaigne, ni Du Vair, ni Charron, ni saint François de Sales ne font évidemment partie de « l’élite spirituelle ! » Il croit encore, — car à quoi ne croit-il pas ? — au « milliard » des congrégations, « d’après un recensement opéré par les soins du ministère des Finances ; » il croit à la toute-puissance, même aujourd’hui, des Jésuites… Et si l’on arrête ici la liste un peu longue des « crédulités » et des inconsciens partis pris de M. Seippel, si l’on ne transcrit aucun des jugemens tout faits qu’il porte sur nombre d’hommes et de choses d’hier et d’aujourd’hui, c’est que l’on ne s’est point proposé de faire sourire à ses dépens.

Il y a du moins un reproche qu’on ne peut s’empêcher de lui adresser. A plus d’une reprise, M. Seippel s’excuse d’avoir « osé » aborder un sujet d’une aussi vaste « envergure » que celui qu’il a traité. L’entreprise, certes, n’avait rien de « téméraire ; » mais elle était délicate ; elle exigeait, nous l’avons dit, une enquête minutieuse, directe, incessamment vérifiée et contrôlée ; et cette enquête, il faut bien l’avouer, M. Seippel ne l’a pas conduite avec tout le soin et toute l’impartialité que l’on pouvait souhaiter. Il connaît un peu Paris sans doute, certains coins et certains « milieux » de Paris tout au moins. Mais connaît-il bien la province ? Y a-t-il non seulement voyagé, mais vécu ? Rien ne semble l’indiquer dans son livre. Il y a une trentaine d’années, un écrivain et artiste anglais, qui s’était établi auprès d’Autun, M. Hamerton, après quelques années de séjour, a consigné dans un livre, encore intéressant à consulter aujourd’hui[1], le résultat de ses observations sur le caractère, les habitudes et les mœurs des Français qu’il coudoyait. Si cette méthode « expérimentale » n’est pas la seule qui convienne pour étudier à fond

  1. Philip Gilbert Hamerton, Round my house, 1876. — C’est à une méthode analogue qu’a eu recours un autre Anglais qui, plus récemment, a publié un livre sur la France, M. John Edward Courtenay Bodley. Lui aussi s’était bien rendu compte que Paris n’est pas toute la France, et il avait passé sept années de sa vie à parcourir toute la province, et à interroger, à voir vivre toute sorte de gens. « Je sais, à la vérité, concluait-il, que la vie de ces braves gens n’a rien d’idéal et d’idyllique ; mais je reconnais dans ces provinciaux, avec tous leurs défauts, le vrai nerf de la France, la force vive qui la maintient au premier rang des nations, malgré toutes les folies gouvernementales ou autres qui se commettent dans sa belle capitale. » Son livre, intitulé France (2 vol. in-8o, Londres, 1898) a eu une seconde édition en 1900, et a été traduit en français. Voir sur cet ouvrage, dans la Revue du 1er juin 1898, l’article de G. Valbert, le Jugement d’un Anglais sur la France politique.