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de suif et de coprah ; le savon cuit, puis refroidi, est ensuite détaillé en copeaux qu’on imprègne de la couleur et du parfum voulus ; après quoi ces copeaux sont de nouveau pulvérisés par une machine analogue aux broyeurs de couleurs et transformés en rubans. Une boudineuse-peloteuse agglomère ceux-ci et expulse des boudins prismatiques ou cylindriques ; ces derniers, lorsque la pression de la machine les exprime et que leur couleur s’y prête, ressemblent à une banane pelée qui s’étirerait sur une longueur de plusieurs mètres. Finalement, cette pâte est coupée, puis moulée à la presse à balancier.

Abordons un sujet plus propre à intéresser le chimiste ou le manufacturier marseillais. Lorsqu’on traite l’huile par la lessive pour faire des savons, — nos lecteurs ne l’ignorent plus, — il se forme un produit résiduel, jadis sans intérêt, la glycérine découverte au XVIIIe siècle par le Poméranien Scheele. Si la glycérine n’avait jamais servi qu’à garnir certains flacons de toilette et à sucrer le café des diabétiques, — et encore pour ce dernier usage a-t-on d’autres matières aujourd’hui, — on ne s’en préoccuperait guère dans l’industrie. Mais plus tard on découvrit qu’en traitant convenablement par l’acide nitrique cette glycérine, on obtenait un explosif formidable, la « nitroglycérine, » si terrible même que l’usage n’en parut d’abord pas pratique. Ultérieurement toutefois, le Suédois Nobel imagina de faire absorber la nitroglycérine par une poussière minérale inerte ; il obtint ainsi une sorte de pâte qui détonait encore avec violence dans certaines conditions, mais dont on pouvait du moins gouverner la faculté brisante. Telle est l’origine de la dynamite dont l’emploi s’est tout à fait vulgarisé aujourd’hui.

Pour « nitrer » la glycérine, certaines impuretés ne nuisent pas, mais il ne faut pas que la glycérine soit diffusée dans trop d’eau, car la nitro-glycérine (comme les huiles du reste) se rattache à la classe des éthers, suivant l’expression chimique, et les éthers refusent de se former en présence d’un excès d’eau. Or les lessives résiduelles des savonneries sont constituées d’eau, chargée de 7 à 8 pour 100 de glycérine seulement, de chlorure de sodium ou sel marin, et d’un peu de soude que l’huile a laissé échapper. En évaporant à basse température et à basse pression, on élimine l’eau ; le sel se dépose, et il reste de la glycérine, parfaitement utilisable pour l’industrie, après une nouvelle purification qui se pratique en dehors des savonneries.