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réputation, de prestige, comme cela a eu lieu pour Gneisenau vis-à-vis de Blücher, pour Moltke vis-à-vis de l’empereur Guillaume ; et il est certain que ces froissemens d’amour-propre seront plus vivement sentis par un simple général que par un souverain appelé à commander l’armée.

Mais il s’agit là de l’utilisation des forces de la nation contre l’ennemi, d’une question de vie ou de mort pour la Patrie. Les intérêts personnels doivent s’incliner devant l’intérêt général du pays. Il y a longtemps, près de quinze siècles, que l’auteur militaire de prédilection du maréchal de Saxe, Onosander, a écrit dans sa Science du chef d’armée : « L’honnête homme se manifeste à la tête de l’armée comme au sein de la Patrie. »

Dès 1815, une observation attentive, éclairée, impartiale, aurait pu faire prévoir qu’il y avait un germe de désastre dans l’organisation du haut commandement et l’utilisation des états-majors français ; tandis que, du côté prussien, il se manifestait déjà, dans les relations du général en chef et de l’état-major, une méthode encore hésitante, mais qui, perfectionnée, assurerait, tôt ou tard, à l’armée prussienne une supériorité dangereuse. Waterloo pouvait faire prévoir Metz et Sedan.

1815 n’a pas été seulement l’Untergang, le coucher de l’astre de Napoléon, la disparition définitive, tragique, glorieuse quand même, du Grand Empereur, du « Géant des batailles. » Elle a été aussi l’indice précurseur de l’influence considérable qu’allait exercer le grand état-major prussien, et qui devait nous être si funeste en 1870.


Général ZURLINDEN.