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cours prononcé à Stirling, devant ses commettans, il laisse tomber une phrase plus qu’encourageante pour les partisans du Home-rule.

Cette phrase a la forme d’un conseil, gracieusement et amicalement offert à M. Redmond et à ses amis : « Si l’on vous accorde une mesure qui vous achemine vers l’autonomie, acceptez-la comme acompte, à condition qu’elle soit un pas vers la solution définitive et complète, vers the larger policy. » Dès le lendemain, lord Rosebery, en tournée oratoire dans le comté de Cornwall, dénonce le discours de Stirling comme engageant le parti libéral dans une politique néfaste et déjà jugée par le pays. « Quant à moi, je le dis nettement, une fois pour toutes, sans hésitation et sans ambages, je ne servirai jamais dans ce camp-là, je ne marcherai jamais sous cette bannière ! »

Aussitôt, grande ébullition. Que va-t-il arriver ? Le parti libéral va-t-il se diviser entre lord Rosebery et sir Henry Campbell Bannerman, comme le parti conservateur semble se partager entre M. Chamberlain et M. Balfour ? On guette les paroles des vice-présidens de la ligue libérale : ces paroles sont piteuses. Elles trahissent un embarras profond. Elles prétendent voir une identité de vues là où existe la plus nette des contradictions. Dès lors, il est facile de prévoir que lord Rosebery aura le sort de celui qu’il a si passionnément étudié et admiré, que, comme Napoléon, il sera abandonné par ses lieutenans. Au point de vue des principes, au point de vue patriotique, c’est lui qui a raison. Au point de vue de l’intérêt immédiat et de la tactique parlementaire, il a tort, car non seulement le parti libéral a besoin des quatre-vingt-deux voix irlandaises dans le Parlement, mais il devra sa majorité, à ce qu’on m’assure, dans cent quarante circonscriptions anglaises ou écossaises, au vote des Irlandais domiciliés dans ces circonscriptions. Il est clair que M. Redmond tient et mène en lisières le parti libéral : c’est lui qui est le vrai leader.

Il paraît que M. Balfour a maintenant pris son parti. Dans un premier conseil de cabinet, tenu vers la fin de novembre, la question de la démission collective du cabinet avait été agitée et repoussée. Aujourd’hui cette solution a triomphé.

4 décembre. — M. Balfour a eu une audience du Roi à Buckingham Palace et lui a remis la démission du ministère. Est-ce la fin de cette période de vingt années pendant laquelle le parti