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détresse ; elle datait du jour où la mort de Catherine avait soudainement tari une abondante source de revenus. Les subsides fournis depuis par Paul Ier avaient été insuffisans pour répondre à tous les besoins du souverain proscrit.

Sa maison remplie de serviteurs de tout rang, dépourvus de ressources, tant d’émigrés à secourir, les traitemens fixes alloués à ses agens, les frais de courriers, de poste, de voyages, les dépenses du Duc de Berry, ce n’était là que le courant, auquel en cette année 1800, s’étaient ajoutés le coût d’une cure de la Reine à Pyrmont, de son installation à Kiel, où elle allait résider encore pendant plus d’une année, et la solde supplémentaire que le Roi avait dû se déterminer à allouer à ses gardes du corps dont l’âge et les besoins rendaient insuffisante celle qu’ils recevaient de l’Empereur. Après une vaine tentative à Saint-Pétersbourg pour obtenir une augmentation de sa pension annuelle fixée à deux cents mille roubles, il s’était adressé à son frère en le priant de solliciter des ministres anglais le renouvellement d’un secours de dix mille livres sterling qu’ils lui avaient accordé l’année précédente et sa transformation en un traitement annuel.

« Mes pauvres finances sont toujours dans une gêne extrême à la fin de chaque année, disait-il. Mais jamais elles ne furent dans un état plus désastreux qu’à la fin de celle-ci. Il n’y a que vous qui puissiez me tirer de ce pénible embarras. »

Si profonde qu’apparaisse alors sa misère, elle fut bien pire après qu’il eut été obligé de quitter la Russie. Outre qu’il était menacé de voir son traitement supprimé, il n’avait reçu qu’en minime partie les six mois échus au moment de son départ. Pour se mettre en état d’arriver à Varsovie, il avait dû contracter un emprunt à Riga et lorsque ses gardes du corps et ses plus fidèles serviteurs chassés aussi de Mitau étaient arrivés à Memel, privés de tout, mourant de faim et brisés de fatigue, il n’avait pu leur venir en aide que grâce à sa nièce. Elle exigea qu’il acceptât d’elle le collier en brillans qu’elle avait reçu de l’Empereur au moment de son mariage et sur lequel un banquier prêta deux mille cinq cents ducats. Dans cette situation, il renouvelait ses instances :

« Vous sentez que le déplacement, un voyage dont je ne peux prévoir le terme, mon établissement lorsque j’en aurai trouvé un pour mes enfans et pour moi, la foule d’infortunés que je laisse derrière moi et qui bientôt sans doute courront les chemins ; vous sentez, dis-je, que tout cela m’écrase et que je ne