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coefficient détermine, une somme ancienne intrinsèquement connue pour avoir son équivalent en francs de nos jours. C’est donc en « francs de nos jours » que nous parlerons ; c’est en monnaie actuelle que nous exprimerons désormais toutes les sommes de jadis, préalablement traduites et converties[1].

Lorsqu’il s’agissait des budgets du manœuvre rural, de l’ouvrier de métier ou du domestique, la comparaison était relativement facile entre le présent et le passé. Les salaires nous fournissaient un élément sûr et précis. Il n’en va pas de même pour la classe qui commence aux petits rentiers, aux petits commerçans, aux petits fonctionnaires, ayant aujourd’hui pour vivre plus de 2 500 francs par an, et qui passe par tous les degrés de l’aisance et de la richesse pour s’élever jusqu’aux revenus, annuels de plusieurs millions de francs. Pour cette classe, les bases de la fortune et la nature du revenu ne sont plus ce qu’elles furent au moyen âge, ni même ce qu’elles étaient sous l’ancien régime. Comparons d’abord, au seul point de vue du chiffre qu’elles atteignent, les fortunes des temps féodaux et monarchiques aux fortunes actuelles.

Il existe présentement, dans notre république, 1 000 personnes ayant 200 000 francs de rentes mobilières ou foncières, sans tenir compte de leurs bénéfices commerciaux ni de leurs gains professionnels. Parmi ces mille, il en est 350 qui jouissent de plus de 500 000 francs de revenus. De ces 350, on en peut citer 120 disposant annuellement de plus d’un million de francs de recettes ; 50 d’entre eux ont un budget normal de plus de trois millions de francs et, sur ces 50, il en est une dizaine qui tirent de leurs capitaux une somme supérieure à cinq millions de francs par an.

Ces chiffres proviennent, il n’est pas besoin de le dire, de documens positifs et principalement, de ceux que fournit l’impôt sur les successions. Pour écarter toute chance d’exagération, j’ai compté chaque succession comme équivalant à une famille, à un ménage, et je n’ai considéré, dans le temps présent, que les capitaux, la « fortune acquise, » tandis que, pour les siècles précédens, les biens que j’analyse sont souvent viagers. Je

  1. Le lecteur, curieux de connaître les bases qui ont servi à ces conversions, pourra consulter les tomes Ier, p. 481, et IV, p. 576 de mon Histoire économique de la Propriété, des Salaires, des Denrées et de tous les prix depuis 1200 jusqu’à 1800.