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540 000 francs, et l’on peut regarder un revenu de 500 000 francs comme rarement dépassé par les suzerains de nos anciennes provinces au moyen âge. Or nous avons aujourd’hui 350 concitoyens qui jouissent de plus de 500 000 francs de rente.

Et nous en avons 600 qui ont de 200 000 à 500 000 francs ; c’est-à-dire plus que le comte de Bar, qui en avait 150 000 et autant qu’Alain le Grand, sire d’Albret, père du premier roi de de Navarre de cette maison, qui en avait 200 000. La famille de Rohan était citée, au XVe siècle, pour sa richesse territoriale qui, d’après un inventaire détaillé, monte à 280 000 francs de rentes. Nos 7 ou 8 agens de change les plus achalandés se font deux fois autant à la corbeille parisienne.

Quelques races féodales de la seconde époque, sans avoir régné sur des territoires pratiquement indépendans, arrivèrent à surpasser, sous le rapport pécuniaire, des seigneurs comme les ducs de Lorraine ou les comtes de Provence, parce que la confiance royale leur valut de grands emplois et des biens grevés de peu de charges. Tels furent les Montmorency et les La Trémoïlle qui, s’ils avaient surgi au Xe siècle, eussent fondé peut-être des dynasties souveraines et qui, s’ils avaient réussi seulement au XVIIe siècle, n’eussent obtenu que des bâtons de maréchaux, comme les guerriers heureux, ou des honneurs d’antichambre, comme les courtisans agréables.

Aux XIVe et XVe siècles, un brave pouvait encore devenir riche et un chevalier faire souche de princes. Il n’existe pas de chiffre positif sur la fortune des Montmorency ; mais nous voyons le dernier connétable doter de 2 100 000 francs sa fille Charlotte, mariée sous Henri IV au prince de Condé et, lorsque Henri de Montmorency périt sur l’échafaud en 1632, ses biens, confisqués et donnés à son beau-frère, firent de « Monsieur le Prince, » jusque-là possesseur de 70 000 francs de rente seulement, l’un des plus riches seigneurs du royaume. Le domaine de Chantilly, qui figurait dans ce patrimoine, n’en était qu’un petit fragment ; aussi bien que les trois millions de francs, en espèces, que l’on trouva chez le maréchal-duc lors de l’apposition des scellés et que Richelieu fit aussitôt porter au Trésor.

Sur les La Trémoïlle nous possédons d’amples renseignemens. Gui, sixième du nom, tirait en 1395 de sa seigneurie de La Trémoïlle, 9 000 francs de rente, chiffre qui n’augmenta guère de plus de 1 000 francs jusqu’à la Révolution (1788) ; mais à ce