Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/919

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y a des sujets qui, sans jamais présenter de folie, restent demi-fous à l’état habituel toute leur vie.


1o Chez les fous enfermés, on observe souvent des délires partiels : pour tout le reste de l’activité psychique, ils ne sont que demi-fous. Tout le monde connaît ces aliénés avec lesquels on peut causer longuement sans observer autre chose en eux que de la bizarrerie ou un certain degré d’originalité, jusqu’au moment où ils seront amenés à dire qu’ils sont empereurs du désert ou persécutés par les loges.

De divers côtés, on a récemment publié de curieux documens sur le Musée de la folie (docteur Marie), et sur les Écrits et les Dessins des maladies nerveuses et mentales (docteur Rogues de Fursac). Il ressort de ces travaux que les œuvres artistiques des fous sont « pour la plupart, d’une modération et d’une mesure qui étonnent le visiteur. On voit, dans nos salons annuels, dit M. Marie, des œuvres autrement excentriques et baroques ! »


2o Les aliénés qui guérissent pour un temps, et qui sortent de l’asile, mais qui restent sous la menace d’une rechute de leur maladie, sont très souvent des demi-fous dans ces périodes intercalaires de santé relative. C’est l’état dans lequel étaient Auguste Comte ou Gérard de Nerval entre deux internemens.

Le meilleur exemple de ce genre de demi-fous est fourni par les épileptiques ; dans les attaques, dans les périodes de crises, ces malades sont irresponsables et fous ; mais, quand leurs crises sont assez éloignées, dans ces périodes intercalaires, ils recouvrent la raison, et on ne peut plus ni les interner, ni les considérer comme des fous ; de par leur névrose, ils n’ont cependant pas un psychisme intact et normal : ce sont des demi-fous et des demi-responsables.


3o Le plus important des trois groupes est certainement celui des demi-fous qui ne sont jamais fous ; qui n’ont jamais, même transitoirement, de vrais accès de folie, de vraies périodes d’irresponsabilité ; qui restent des demi-fous toute leur vie ou à peu près. Il est assez difficile d’en faire une description d’ensemble, et on est obligé d’indiquer plutôt une série de types cliniques, de formes diverses, derrière lesquelles nous chercherons à discerner ensuite le fond commun.