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Regis, dans son très important Précis de Psychiatrie, distingue deux catégories : les désharmoniques d’un côté, les originaux et excentriques de l’autre.

Les désharmoniques sont souvent des précoces, ils saisissent et comprennent tout dans leur enfance, ont en même temps des caprices, de l’entêtement, des instincts cruels, des accès de colère violens et convulsifs ; à la puberté, ils ont souvent du mysticisme, des scrupules, des désirs de voyages, et recherchent les actions d’éclat. Plus tard, ils montrent dans l’ordre intellectuel, « quelquefois à un très haut degré les facultés d’imagination, d’invention et d’expression, c’est-à-dire les dons de la parole, des arts, de la poésie. » Mais il leur manque « le jugement, la rectitude d’esprit, et surtout la continuité, la logique, l’unité de direction dans les productions intellectuelles et les actes de la vie… si bien que leur existence, sans cesse recommencée, n’est pour ainsi dire qu’une longue contradiction entre l’apparente richesse des moyens et la pauvreté des résultats. Ce sont des utopistes, des théoriciens, des rêveurs, qui s’éprennent des plus belles choses et ne font rien. » Ils ont des « accès d’emportemens violens » comme des « crises de désespoir pour les motifs les plus futiles et les plus légers. »

Intelligens, ils n’ont pas le sens commun. Comme dit Trélat, ils sont fous dans leurs actes, plutôt que dans leurs paroles.

Les originaux et les excentriques ont un degré plus marqué de déséquilibration psychique. Ils ont ce que, dans le public, on appelle des manies (tics psychiques), « qui consistent soit dans une habitude extérieure, comme la façon de se vêtir (comme Barbey d’Aurevilly), de se coiffer, de marcher, d’écrire, de parler, soit dans un geste bizarre… » Ils s’entourent « d’oiseaux, de fleurs, de chats, » collectionnent « des objets insignifians, en particulier des objets de toilette, tels que cravates, chapeaux, chaussures, robes de chambre, de toutes couleurs et de toutes formes, » s’absorbent « dans des recherches, des calculs, des inventions ridicules. » Ils ont « des émotivités singulières, des appréhensions ou des attractions invincibles pour tel ou tel animal, ou tel ou tel objet. » On trouve encore chez eux « la prodigalité excessive, l’avarice sordide, l’exaltation religieuse et politique, le mensonge spontané, l’esprit d’intrigue et de duplicité, la passion du jeu et de la boisson, l’hypocondrie et la misanthropie… »