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Quant à Catherine Howard, la sévérité méprisante des historiens à son endroit n’a d’égale que leur complaisance pour Catherine Parr. Ils se bornent à dire que cette jeune femme avait eu des amans avant son mariage, qu’elle a continué à en avoir après, et qu’on a fort bien fait de lui couper le cou : sauf à ajouter ironiquement, comme M. Pollard, que « son orthodoxie catholique était incontestable. » Ils abandonnent aux auteurs de romans et de mélodrames le soin d’approfondir les détails de son aventure ; et l’on sait (ou peut-être, heureusement, ne sait-on plus) de quels crimes odieux Alexandre Dumas a « étoffé » le rôle de Catherine Howard. L’unique qualité que tous les témoignages, anciens et récens, reconnaissent à la cinquième femme d’Henri VIII est d’avoir été extrêmement jolie. C’est, au reste, ce que nous apprend mieux encore un portrait de Catherine Howard, à la Galerie Nationale de Portraits de Londres : avec l’ovale régulier et délicat de son visage, ses fins cheveux châtains, ses yeux d’un vert profond et voluptueux, cette exquise figure se détache en un relief saisissant, parmi la banalité ou la laideur des cinq autres femmes d’Henri ; et nous nous imaginons aisément le bonheur qu’a dû éprouver celui-ci à pouvoir remplacer la pitoyable Anne de Clèves par une jeune femme dont nous savons, en outre, qu’elle était merveilleusement élégante et légère, dans sa petite taille, et toujours souriante, chantante, répandant autour d’elle un adorable parfum de printemps. En fait, Catherine Howard est seule à nous attester que le « Barbe Bleue anglais » n’était pas incapable d’apprécier la beauté féminine ; et de cela, tout au moins, les apologistes du Roi pourraient bien tenir un peu compte à la pauvre femme. Mais le plus curieux est que, dans le portrait de Londres, ce charme pénétrant de la figure de Catherine résulte moins des traits eux-mêmes que de leur expression, et que celle-ci est infiniment attachante et sympathique, nous révélant un mélange tout particulier de courage et de douceur, de franchise intrépide et de tendre bonté. Se peut-il que tout cela n’ait été qu’un masque, cachant une âme toute noire de vice et d’ignominie ?

Avec la fervente « orthodoxie catholique » que lui reconnaît M. Pollard, Catherine, à sa dernière heure, dans sa confession solennelle devant l’évêque de Lincoln, a juré qu’elle était innocente de l’adultère dont on l’accusait. Elle a avoué, au contraire, qu’avant de devenir la femme d’Henri elle s’était fiancée à l’un de ses cousins, un certain Thomas Culpeper, et que, après son mariage, elle avait continué d’aimer ce jeune homme, au fond de son cœur, et de lui rendre service en toute occasion, et de regretter qu’il ne lui eût pas