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II

Les invasions de l’Afghanistan antérieurement au XIXe siècle.

Il est juste de remarquer que le projet d’attaque de l’Inde par l’Afghanistan n’est pas une invention propre du génie de Napoléon. Avant lui, d’autres conquérans avaient conçu ce projet, et, plus heureux que lui, l’avaient fait aboutir. C’est ainsi que, dans la série des âges, on compte jusqu’à sept grandes invasions de l’Inde par l’Afghanistan. La première invasion dont l’histoire ait conservé le souvenir est celle d’Alexandre le Grand, qui ouvrit, pour la première fois, la porte de l’Inde au monde occidental, et qui eut, pour conséquence durable, la fondation, sur le territoire de l’Afghanistan actuel, du royaume gréco-bactrien dont l’existence se prolongea jusqu’au second siècle avant Jésus-Christ. Les grandes invasions scythes, qui eurent lieu dans les premiers siècles de notre ère, vinrent ensuite. La troisième invasion, celle de Mahmoud le Ghaznévide, en 1001, est fameuse dans l’histoire, parce qu’elle marque à la fois la fin de l’isolement et de l’indépendance de l’Inde, et le rattachement de ce pays au reste du monde. Turc par sa naissance, et occupant un petit trône dans l’Afghanistan, Mahmoud, poussé irrésistiblement vers l’Inde par son fanatisme musulman et par le voisinage immédiat du sanctuaire de l’idolâtrie, découvrit et conquit ce pays. Il fut, pour l’Inde, à la fois Christophe Colomb et Cortès. Depuis son invasion, la domination étrangère n’a jamais été interrompue et le chemin de l’Inde, par les passes et les cols de l’Afghanistan, est devenu une route battue par les aventuriers. En 1398, Tamerlan s’y engage pour opérer son œuvre destructrice. En 1524, c’est Baber qui traverse l’Afghanistan, complète l’œuvre de Mahmoud, et fonde sur les bords du Gange et de l’Indus l’empire musulman du Grand-Mogol. Quand, deux siècles après, la décadence de cet empire fut commencée, ce fut au tour de Nadir-Shah qui avait usurpé le trône de Perse de descendre de l’Afghanistan, de saccager Delhi et de porter au Grand-Mogol un coup si rude que celui-ci fut pour toujours incapable de s’en relever. Les malheurs de cette œuvre de destruction n’étaient pas encore réparés, qu’avait lieu, en 1760, une septième invasion entreprise par Chab-Abdali, chef du clan des Douranis, en