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le traité est d’abord une preuve du maintien et de la continuation des bons rapports qui existent entre le gouvernement anglo-indien et l’émir, et cette affirmation n’est pas faite pour déplaire à Londres et à Calcutta. Et pour ce qui est de l’installation d’agens européens en Afghanistan, il y a lieu de se demander si de telles mesures ne sont pas, à l’heure actuelle, prématurées et ne seraient pas la source de difficultés dans le présent et de complications dans l’avenir. L’installation de résidens européens auprès d’un souverain indigène n’est indiquée que dans un pays familiarisé déjà avec la civilisation européenne, où la population est de mœurs paisibles, où le pouvoir central est assez conscient des responsabilités qui lui incombent et surtout assez sûr de sa force pour assurer la sécurité du résident. L’histoire coloniale de l’Angleterre montre que, lorsque le gouvernement britannique ne s’est pas conformé à ces indications, s’en sont suivis les pires malheurs. En 1816, l’agent anglais nommé auprès du gouvernement du Népal fut massacré à Khatmandou. En 1820, le résident Lyall fut chassé de Madagascar, après avoir subi de telles épreuves qu’il demeura frappé d’aliénation mentale. Vers la même époque, à Kowéit, le résident anglais, qui venait de prendre possession de son poste, dut se retirer pour échapper aux vexations de la population arabe. En 1839, Burnes, et en 1881, Cavagnari étaient assassinés à Caboul. La leçon paraît avoir été comprise. L’Angleterre a agi sagement au Thibet en ne demandant pas l’installation d’un agent d’origine européenne ; et elle n’a pas voulu se payer le luxe d’une nouvelle expérience à Caboul, d’autant que si le gouvernement afghan est d’accord avec le gouvernement anglo-indien, la population indigène n’est pas entrée en contact avec la civilisation européenne. Sauf quelques médecins et quelques ingénieurs employés par les derniers émirs dans des conditions spéciales, aucun Européen n’a séjourné en Afghanistan. Aucun chemin de fer, aucune ligne télégraphique n’existe encore dans cet État qui est resté aussi isolé de l’Europe que l’a été jusqu’à ces dernières années le Thibet.

Avant d’établir des résidens de race anglaise en Afghanistan, il faut d’abord songer à ouvrir le pays aux Européens, et de ce point la mission s’est préoccupée. Bien que le traité qui vise exclusivement la situation générale respective de l’Afghanistan et de la Grande-Bretagne n’en fasse pas mention, d’autres