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dans les romans des frères de Goncourt ; Renée Mauperin, Madame Gervaisais, Germinie Lacerteux ; Flaubert lui-même y vient dans son Éducation sentimentale ; et surtout on retrouve Balzac dans l’œuvre des jeunes romanciers qui, bientôt, sous l’impulsion du plus abondant et du plus bruyant d’entre eux, Emile Zola, vont s’unir pour former l’école qu’on appellera « naturaliste. » On ne saurait omettre de rappeler à ce propos que l’auteur des Rougon-Macquart avait appris, pour ainsi dire, à lire, dans l’Histoire de la Littérature anglaise.

Sans doute, — et, dans une histoire générale du roman français au XIXe siècle, il ne faudrait pas l’oublier, — d’autres influences se sont comme ajoutées à celle de Balzac, et notamment celle de Dickens, dont au surplus la popularité ne date en France que de l’éloge que Taine en a fait, comme de Balzac, et peut-être en en parlant comme d’un Balzac anglais, plutôt que comme du vrai Dickens. Les Anglais ne laissèrent pas d’en manifester quelque surprise. L’influence de Dickens est surtout sensible et visible dans les romans d’Alphonse Daudet : le Petit Chose, Fromont jeune et Risler aîné, le Nabab, Numa Roumestan. Flaubert aussi, à ce moment, a eu sa part d’influence, et, nous l’avons indiqué, on la reconnaît dans une direction d’art et de recherche du style qui n’était pas tout à fait la direction de Balzac. Le style, qui n’était qu’un « moyen » pour Balzac, était une « fin » pour Flaubert ; et de là, dans la conception du roman, des différences qu’on pourrait montrer allant jusqu’à la contradiction. Notons encore, si on le veut, l’influence de Stendhal, mais en notant aussi qu’elle n’a pas été très profonde, et qu’elle n’a finalement abouti qu’à une glorification démesurée de l’auteur de la Chartreuse de Parme, — ce chef-d’œuvre d’ennui prétentieux, — plutôt qu’à aucune modification du roman. On louait Stendhal, et on continuait d’imiter Balzac. Mais toutes ces influences « collatérales, » pour ainsi parler, ne semblent avoir vraiment agi que dans la mesure où elles s’ajoutaient à celle de Balzac ; et on peut dire que, depuis une quarantaine d’années, la forme du roman de Balzac domine sur nos romanciers comme la forme de la comédie de Molière, pendant cent cinquante ans, s’est imposée à nos auteurs dramatiques.

Dirai-je là-dessus qu’on ne les a ni l’un ni l’autre égalés ? Si la preuve historique en est faite aujourd’hui pour Molière, elle ne l’est pas pour Balzac, et, quoique nous vivions plus vite