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jusqu’à 1807. Quatre ans plus tard, c’est-à-dire il y a quelques mois, une publication nouvelle qui aura dix volumes, — trois ont déjà paru, — est venue affirmer le dessein du grand-duc de continuer sans relâche son entreprise ; c’est le recueil complet des rapports diplomatiques échangés de 1808 à 1812, entre Alexandre et Napoléon, par l’organe de leurs ambassadeurs. Quand on se rappelle les dramatiques agitations de cette période qui contient l’entrevue d’Erfurt, la brouille des deux Empereurs, et la campagne de Russie, on peut aisément se rendre compte de l’intérêt passionnant de cette longue suite de pièces révélatrices des circonstances naguère encore si peu et si mal connues qui aboutirent au sanglant conflit de 1812.

Il est généralement admis que la lecture de documens de cette sorte n’est attachante que pour les hommes de métier, diplomates ou historiens, et que seuls ils peuvent se considérer comme dédommagés de ce qu’offre de technique et d’un peu ingrat une telle lecture, par les découvertes qu’ils y font et les conclusions qu’ils en peuvent tirer. Mais c’est là vraiment un préjugé, et jamais preuve plus éclatante n’en fut donnée au même degré que dans le recueil qui est sous nos yeux. Par des commentaires lumineux et un habile classement, le grand-duc a rendu ces papiers d’État accessibles à tous. Il est impossible de les parcourir sans être remué jusqu’au fond de l’âme par la violence des rivalités qu’on voit aux prises, par le déchaînement des ambitions qu’elles trahissent, par la multiplicité des ruses auxquelles recourent deux rivaux puissans qui, de bonne foi au début de leurs relations, ne cherchent ensuite qu’à se duper et à se tromper. Ne dussions-nous au grand-duc que cette publication des rapports des ambassadeurs français et russes qui se succédèrent à Saint-Pétersbourg et à Paris entre l’entrevue d’Erfurt et la campagne de 1812 que cela suffirait pour lui assurer la gratitude des historiens.

Aujourd’hui, un nouvel ouvrage inspiré par le souci de vérité qui caractérise les précédens nous fournit la preuve que le grand-duc Nicolas entend poursuivre jusqu’au bout l’exécution du plan qu’il a eu le mérite de concevoir et qui lui mit la plume à la main. « Dans la glorieuse pléiade qui entoure l’empereur Alexandre Ier, nous dit-il, au milieu des physionomies diverses des collaborateurs du souverain, la figure du comte Paul Alexandrowitch Strogonof se dégage avec un éclat particulier.