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trouva que des encouragemens, sinon pour la manière dont il entendait exécuter ses projets, mais du moins quant à leur principe même. Les membres du Comité se trouvèrent d’accord pour reconnaître qu’il fallait mettre un terme aux vues ambitieuses de la France et que la Russie pouvait faire plus de mal aux Français qu’ils jne pouvaient lui en faire. La campagne de 1805 fut la conséquence de cet état d’esprit commun à l’Empereur et à ses conseillers. On sait que cette campagne se termina par la défaite des armées alliées à Austerlitz. C’est au lendemain de cet événement que Paul Strogonof fut envoyé à, Londres afin d’expliquer au gouvernement anglais la situation politique de l’Europe telle qu’elle résultait de la mémorable victoire de Napoléon et l’influence que cette victoire avait exercée sur l’esprit de l’empereur Alexandre. Jusqu’à ce moment, les diplomates russes s’étaient efforcés de prouver à l’Angleterre que la Russie n’avait aucun intérêt personnel dans la lutte entreprise contre Napoléon. Maintenant, le Tsar ne pensait plus de même, et le comte Strogonof venait parler à Londres au nom d’une Russie placée dans l’absolue nécessité de sauvegarder ses intérêts primordiaux. Austerlitz signifiait qu’il était désormais difficile de prétendre que la situation de la Russie pouvait la mettre à l’abri de l’ambition de Napoléon. L’armée française approchait de la Pologne, et non content d’annoncer le prochain relèvement de ce pays, Napoléon ] marchait à la conquête des rives orientales de l’Adriatique ; il allait devenir le voisin de la Turquie. Il ne s’agissait donc plus uniquement de maintenir l’équilibre politique de l’Europe : la question de Pologne et la question d’Orient étaient posées ; il s’agissait des intérêts immédiats de la Russie. Telle était la pensée d’Alexandre et telle était aussi celle de son envoyé.

Le comte Strogonof pensait encore que la défaite des troupes russes à Austerlitz serait moins douloureuse qu’elle n’était apparue au premier abord, si elle avait pour résultat de détruire la confiance d’Alexandre dans ses aptitudes militaires, de le convaincre lui et tous les Russes qu’il ne serait pas facile de venir à bout de Napoléon et qu’ils devaient s’affranchir de l’idée erronée qu’ils se faisaient de leurs propres ressources et de celles de l’adversaire, car c’est là ce qui allait leur permettre de chercher d’autres moyens pour la lutte. Il n’y a pas lieu de s’attarder aux événemens qui suivirent la mission de Paul Strogonof en