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propriétaires ; les maisons de commerce, les boutiques françaises sont nombreuses dans les villes, et, dans les campagnes, beaucoup de belles plantations appartiennent à des Français. On estime, en ne faisant pas entrer en compte la Compagnie des câbles, la fortune française au Venezuela à 130 millions de bolivars ou de francs.

Presque tous nos compatriotes qui travaillent là-bas sont originaires les uns de la Corse, les autres de la vallée d’Ossun dans les Hautes-Pyrénées. Les Corses sont surtout fixés à Ciudad Bolivar, à Campano et dans l’État des Andes, ils s’occupent de cultures tropicales et d’élevage ; ils se marient volontiers dans le pays, s’y fixent sans esprit de retour et y font souche de Vénézuéliens ; leur tempérament de condottieri les jette dans l’armée et dans la politique, ils recherchent, comme en France, les fonctions publiques, les emplois payés par l’État. Les Pyrénéens habitent surtout Caracas, la Guayra, Valencia où ils font le commerce des farines, de la boulangerie ; mais là-bas, « aux Amériques, » sous ce climat tropical, presque tous rêvent, comme nos Alpins de Barcelonnette, de la jolie maison qu’après fortune faite ils reviendront bâtir dans leur vallée natale, près de quelque riant village du pays Basque, au-dessus du gave bondissant. La France est encore représentée au Venezuela par des créoles des Antilles, des mulâtres, des noirs, presque tous petites gens, artisans, menuisiers, mécaniciens, forgerons, maçons, ouvriers distillateurs ; beaucoup de négresses s’engagent comme cuisinières : un cordon bleu de la Martinique est un luxe très recherché par les riches vénézuéliens. Enfin nos consuls s’occupent d’un petit groupe de juifs oranais, venus au Venezuela à la suite de quelques coreligionnaires natifs de Tétuan ; ils font le commerce des tissus, de la mercerie, de la parfumerie. Il existe malheureusement là-bas un autre élément français : ce sont les évadés des pénitenciers de la Guyane qui, au prix de terribles dangers auxquels beaucoup succombent, finissent par arriver, à travers la forêt vierge, sur le territoire de cette république qui n’a pas de traités d’extradition ; on en cite qui y ont travaillé et réussi ; mais la plupart restent de dangereux chemineaux, écumeurs de grands chemins, à moins que pour piller tout à leur aise ils ne s’enrôlent sous quelque bannière révolutionnaire.

Guzman Blanco, pour mettre en valeur son pays et lancer des