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ministre de l’Intérieur, il s’est naturellement inspiré de ceux de M. Briand. La partie commune de tous ces discours était une opinion favorable à la loi, ou indulgente pour elle. Il n’en a pas fallu davantage pour les faire afficher tous à la fois, tant la Chambre, à la veille des élections, éprouvait le besoin de faire certifier au pays par les voix les plus diverses qu’elle n’avait pas fait œuvre sectaire. Voyez, disait-elle aux électeurs, arrêtez-vous le long des murs où ils sont affichés et lisez les discours du 7 mars ; ce ne n’est pas seulement MM. Briand et Dubief, mais encore M. Ribot, le plus illustre des progressistes, et M. Lemire, un membre de l’église, un abbé, qui se portent garans pour nous !

Cette première partie de la séance a eu quelque chose d’un peu académique : la seconde, plus courte, a été plus vive, plus directe, plus décidée, plus décisive. Dans la première, M. Rouvier avait gardé le silence : il a bien fallu qu’il parlât dans la seconde. Il a déclaré qu’il appliquerait la loi avec fermeté, mais avec tact et modération. Avec tact, avec modération, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie-t-il qu’on continuera comme auparavant ? Mais le parvis de plusieurs églises a déjà été souillé de sang et un homme a été tué. Est-ce que le gouvernement n’a aucune responsabilité dans ces faits ? Est-ce qu’il pouvait se borner à demander à la Chambre de compter sur lui ? Est-ce que ses succès antérieurs justifiaient cette confiance ? A toutes ces questions qui se posaient dans les esprits, M. Ribot avait répondu d’avance. Il avait montré les hésitations, les tergiversations, les contradictions du gouvernement. Celui-ci, paraît-il, subitement éclairé par une lueur de bon sens, avait résolu d’abord de suspendre l’exécution des inventaires dans les paroisses où il rencontrerait des résistances ; mais ensuite, effrayé par les remontrances supérieures de l’extrême-gauche, — et notamment de M. Clemenceau, — il avait changé d’avis. Les inventaires allaient donc continuer partout, sans rémission ni délai, et la Chambre n’avait d’autre garantie pour l’avenir que le « tact » du gouvernement qu’elle avait pu apprécier dans le passé. Était-ce suffisant ? M. Ribot ne l’a pas pensé. Il avait attribué d’ailleurs une partie des difficultés avec lesquelles on était aux prises à l’affectation du gouvernement de n’avoir aucun rapport, aucun contact avec les chefs de la hiérarchie catholique, comme si ces rapports devaient être nécessairement compromettans et ce contact humiliant. Cette réserve du gouvernement n’était-elle pas une absurdité, une inconvenance et une source de dangers ? Entre honnêtes gens, on se quitte avec d’autres formes. Demain, nous ne