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réfléchi, qui savait tant de choses, et qui devinait le reste. Mais il s’agissait bien d’écouter des conseils, surtout les conseils d’un étranger, à moins qu’il ne fût quelque Thomas Paine ou quelque Anacharsis Clootz, et la Révolution, maintenant et plus tard, entendait enseigner, mais non point apprendre ! Bentham n’acheva pas la Tactique des assemblées législatives, et par conséquent n’eut pas à la présenter ; l’eût-il achevée et l’eût-il présentée qu’elle eût sans doute subi le sort du mémoire de Romilly, traduit pour Mirabeau par Etienne Dumont. A « ces philosophes respectables, dont le civisme ne se bornait point à la Grande-Bretagne, » on se fût borné à répondre avec un dédain mal contenu : « Nous ne voulons rien des Anglais, nous ne devons imiter personne ! » à l’heure même où l’on s’apprêtait, contre toutes les données historiques et psychologiques, au mépris de toutes les traditions nationales, au risque de toutes les aventures, à imiter gauchement leurs institutions, déjà déformées par l’interprétation sommaire ou fantaisiste qu’on en donnait. Et les Américains n’auraient pas reçu meilleur accueil : malgré les souvenirs, encore tout chauds, de la guerre d’Indépendance, malgré l’étiquette républicaine grâce à laquelle, de confiance, souvent faisait prime la marchandise qu’elle couvrait, il n’en eût pas été du Manuel de pratique parlementaire du président Jefferson autrement que du traité de Bentham, s’il eût été composé quelques années plus tôt[1] et si les Sieyès, les Brissot, les Condorcet, les

  1. La composition du Manuel se place, semble-t-il, entre 1797 et 1801. — Voyez Manuel de pratique parlementaire par Thomas Jefferson. Édition française avec un Avant-Propos et des Notes de références, et, en appendice, les règlemens des Chambres américaines, par Joseph Delpech, professeur agrégé de droit public à l’Université d’Aix-Marseille et Antoine Marcaggi, avocat à la cour d’appel d’Aix. Paris, 1903, Fontemoing. — Dans son avant-propos, M. Delpech constate avec raison que les auteurs français ont peu parlé du Manuel de Jefferson ; il cite seulement, comme l’ayant indiqué, à des dates assez récentes, en 1876 et en 1891, M. Jozon et M. Ramon. Cependant, dès 1839, M. Ph. Valette y faisait allusion en termes élogieux : « l’excellent ouvrage du président Jefferson. » — Cf. Traité de la confection des lois, ou Examen raisonné des règlemens suivis par les assemblées législatives françaises, comparés aux formes parlementaires de l’Angleterre, des Etats-Unis, de la Belgique, de l’Espagne, de la Suisse, etc., par Ph. Valette, avocat à la Cour royale de Paris, secrétaire de la Présidence de la Chambre des députés, et Benat Saint-Marsy, avocat à la Cour royale de Paris ; 1839, Joubert. Le même M. Valette a publié, en 1850 : Mécanisme des grands pouvoirs de l’Etat et des formes réglementaires de l’Assemblée nationale, suivi de textes tant réglementaires que législatifs pouvant servir à éclairer le vote des lois (Imprimerie nationale). Nouvelle édition, mise à jour pour le Corps législatif (1852, Chaix). Joindre : Jurisprudence parlementaire, recueil des lois, ordonnances, règlemens, discussions, opinions, documens, précédens relatifs aux attributions des Chambres législatives, à leur composition et au mode d’épreuve de leurs pouvoirs, par Alphonse Grün, avocat à la Cour royale de Paris, 1842. Hingray.