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le personnage d’espion ou de mouche, mais avec toute la décence qui convenait à son état et à son caractère. M. Dubourg se rendit chez le magistrat une première fois, et ils convinrent ensemble d’un jour et d’une heure où il n’y aurait point d’interruption à craindre : voici la conversation telle que le médecin me l’a rendue.

M. le lieutenant de Police commença par lui témoigner le plaisir qu’il avait de savoir qu’il avait vu des convulsions, parce qu’il était fort aise d’apprendre d’un homme tel que lui ce qu’il avait vu, et le jugement qu’il en portait. Mais il ne fut question de la part du magistrat de savoir ni où, ni qui, ni avec qui. M. Dubourg lui répondit qu’il était facile de le satisfaire. Il déclara qu’il avait vu des convulsions trois fois, et que, pour lui en rendre un compte exact, il partagerait en cinq classes tout ce qu’il avait vu. Première classe : Coups de poings et de pieds, foulement de pieds sur le corps, tirement de membres. Deuxième classe : Pressions violentes. Troisième classe : Coups de bûches. Quatrième classe : Secours d’épées perçantes et non perçantes, et clous enfoncés dans les diverses parties du corps à coups de marteau. Cinquième classe : Crucifiement. Il reprit chacune de ces classes en particulier, et rendit compte de tout le détail de ces différentes opérations, dans plusieurs desquelles il avait été non seulement spectateur, mais acteur. Grande surprise de la part du magistrat qui vit bien qu’il n’y avait aucun moyen de nier la vérité de ces faits. Mais, Monsieur, ajouta-t-il, vous paraît-il impossible de les expliquer par la physique ? R. — Il y a quelques-unes de ces opérations que je ne crois pas supérieures aux forces de la nature, mais il y en a plusieurs autres que je regarde comme absolument inexplicables : tels sont les violens coups de bûches sur l’estomac et la poitrine, les pressions des côtes avec les pieds, dans lesquelles, on ne sait et l’on ne peut dire ce que devient le sternum ; l’impossibilité de faire percer les épées, quelque force que l’on emploie à les pousser ; la guérison subite et sans aucun remède des blessures que font les épées qui percent et les clous dans le crucifiement ; enfin la paix, la tranquillité, la sérénité du pouls, du visage, de l’esprit des personnes sur lesquelles se font ces terribles opérations. Tout cela est inexplicable et au-dessus de toutes les connaissances de la nature et de l’art.

D. — Y a-t-il dans tout cela quelque chose qui vous paraisse évidemment miraculeux ?

R. — Vous m’en demandez trop. Je ne connais pas assez toutes les forces de la nature, et il ne m’appartient par de décider de ce qui est miraculeux et de ce qui ne l’est pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ces faits sont absolument inexplicables à toutes les connaissances que nous avons de la nature et de l’art.

D. — Ce spectacle se passe-t-il avec décence, et n’y a-t-il rien de capable d’offenser les bonnes mœurs ?

R. — Tout s’y passe avec la plus grande décence, et il ne s’y passe pas la moindre chose qui puisse blesser la pudeur, la modestie et la bienséance. Les personnes sur lesquelles se font les opérations que j’ai vues sont pleines de sagesse, et ceux qui y assistent sont d’honnêtes gens qui sont aussi attentifs à ne point tromper qu’à n’être pas trompés. Ils étaient tous charmés de ma présence, et à chaque opération l’on m’avertissait afin que je pusse