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Bientôt il aperçoit Ignace
Qui d’un Maure suivant la trace
A travers les monts et les bois,
De la mère de Dieu chevalier chimérique,
Contre les mécréans sa valeur fanatique[1]
Veut par un coup de lance en soutenir les droits.

L’habile tyran du Cocyte,
Arrêtant sa vaine poursuite,
Lui promet de plus grands exploits,
Et pour le couronner d’une gloire immortelle
Il lui dicte le plan d’une secte nouvelle
Qui doit marcher un jour[2] sur la tête des rois.

L’effet répond à sa promesse ;
Des disciples de toute espèce
Viennent se ranger sous sa loi.
De la terre bientôt ils couvrent la surface,
Et leurs dogmes nouveaux au sujet de la grâce
Corrigent l’Évangile et réforment la foi.

Les lis ennemis des impies
Crurent terrasser ces harpies
Par des jugemens rigoureux,
Mais nos rois, dont bientôt ils se rendent les maîtres,
Loin de venger sur eux le sang de leurs ancêtres,
Du soin de leur salut se reposent sur eux.

La foi commence à disparaître.
L’exemple du souverain maître
Entraîne bientôt tous les cœurs,
Et c’est par le conseil de ces nouveaux arbitres
Qu’on voit les dignités, les honneurs et les titres[3]
N’être plus dispensés qu’à leurs adulateurs.

D’Augustin, traité d’anathème
De l’Apôtre des Gentils même
Ils condamnent les saints écrits ;
Et du siège de Rome une bulle émanée,
Traitant l’amour de Dieu de vaine et d’erronée,
De ce premier principe[4]affranchit les esprits.

  1. Var. Contre le mécréant, en dévot fanatique.
  2. Var. Qui doit un jour marcher.
  3. Var. les mitres.
  4. Var. premier précepte.