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collective, nous est arrivée chargée de pensées et d’émotions. La Danse macabre des femmes, œuvre de Martial d’Auvergne, ne nous donne que ce que pouvait contenir la tête d’un poète sans génie. Les vers n’ont plus d’âpreté. La mort a perdu son aiguillon : elle ne sait plus railler, insulter. Quant aux victimes, elles se résignent et louent la Providence qui ne fait rien en vain. L’œuvre serait donc assez plate, si elle n’était relevée çà et là par quelques traits. La femme de l’écuyer regrette de mourir parce qu’elle n’a pas eu le temps de se faire faire la robe dont elle avait acheté l’étoffe à la foire du Lendit. La petite fille recommande sa poupée à sa mère. La garde de l’accouchée, elle aussi s’en va à regret, car elle avait de bons momens. Assise près des courtines,


Où était maint bouquets pendus


elle mangeait les tartes et la pâte de coing destinées à la jeune mère.

Quant aux gravures sur bois, elles sont d’un dessin rude et vigoureux. Elles ne valent pourtant pas celles que nous connaissons. L’artiste n’était pas soutenu par le puissant original qu’on sent derrière la Danse macabre des hommes. Il a peu varié ses figures de femmes, et, d’autre part, il a rarement su prêter à la mort un geste nouveau, tragique ou bouffon. Il n’a inventé qu’une chose, terrible, il est vrai ; au crâne de la mort il a imaginé d’attacher quelques longs cheveux féminins. Ainsi il a donné un sexe à cette mort qui emporte les femmes. C’est bien toujours, suivant l’ancienne conception, le double de la morte ; et l’horreur qu’inspire ce cadavre momifié s’en trouve encore accrue. Voilà donc ce que devient le corps féminin,


Qui tant est tendre
Poly, souef et précieux.


Les œuvres que nous venons de citer ne sont pas les seules que la danse macabre ait inspirées. Elle hante l’imagination des poètes qui écrivent sur ce sujet d’ingénieuses variations. Le plus curieux de ces poèmes est intitulé le Mors de la pomme et parut vers 1470. Chose curieuse, cette œuvre tardive semble nous faire remonter aux origines mêmes de la danse macabre. Tout le début a l’air d’un sermon : telles étaient sans doute les idées que développait, au XIVe siècle, le prédicateur franciscain, avant