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les anciens serviteurs de son père, bien qu’il n’eût pas eu à se louer de tous également. Il en garda un certain nombre à son service, entre autres du Mont, le gouverneur de Meudon, et il fit distribuer de larges gratifications aux autres. « Il en usa avec tous, dit Saint-Simon, avec une largesse et une générosité qui les confondit[1]. » Quant aux femmes qui composaient la cabale, la princesse de Conti, la duchesse de Bourbon, les princesses Lorraines, leur situation se trouvait singulièrement diminuée. Chacune se comporta suivant son humeur. La princesse de Conti, de nature douce et qui aimait véritablement son frère, en tomba malade de chagrin et fut quelque temps sans paraître à la Cour. La duchesse de Bourbon, au contraire, ardente et vindicative, se jeta dans les plaisirs d’une façon indécente pour son âge et sa situation de veuve. L’aînée des princesses Lorraines, la princesse d’Espinoy, comptant sur la faveur de Mme de Maintenon, crut pouvoir demeurer à Versailles. Il n’en fut pas de même de sa sœur, Mlle de Lislebonne, qui, moins solidement appuyée, s’en retourna du coup en Lorraine où, pour se consoler, elle se fit nommer bientôt abbesse de Remiremont.

Il était encore une princesse plus haut placée qu’aucune de celles dont nous venons de parler, dont la situation se trouvait atteinte, et qui ne prenait pas la chose en patience : c’était la Duchesse de Berry. Tant que Monseigneur était vivant, ses deux fils étaient sur le même pied ; le cadet ne devait aucun honneur à son aîné. Il n’en pouvait plus être de même à partir du jour où le Duc de Bourgogne devenait l’héritier présomptif de la couronne. Trois jours après la mort de Monseigneur, le Roi décida que le Duc de Berry donnerait la chemise au Duc de Bourgogne et la Duchesse de Berry à la Duchesse de Bourgogne. Le Duc de Berry ne fit point de difficultés. Il n’en fut point de même de la Duchesse. Depuis son mariage, auquel la Duchesse de Bourgogne avait tant contribué, elle s’était à peu près brouillée avec sa belle-sœur, outrée qu’elle était de voir la Cour se porter avec empressement chez la Duchesse de Bourgogne et la laisser solitaire. Elle avait même trouvé moyen d’engager dans cette brouille son mari qui ne voyait que par ses yeux. Des scènes assez vives avaient eu lieu entre les deux princesses, et il avait fallu que le Roi intervînt pour empêcher un éclat.

  1. Saint-Simon. Addition au Journal de Dangeau, t. XIII, p. 438.