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vernement des perplexités, sinon des inquiétudes. Il se trouve en présence de deux agitations qui pourraient l’une et l’autre devenir dangereuses : l’agitation religieuse et l’agitation ouvrière. La première était imprévue. Les auteurs de la séparation avaient tout arrangé pour que la loi passât complètement inaperçue au moment des élections et le restât même assez longtemps après. Les traitemens du clergé lui étaient maintenus pendant un certain nombre d’années et allaient ensuite en décroissant peu à peu jusqu’à extinction totale. Les palais épiscopaux, les presbytères étaient laissés, pendant plusieurs années aussi, à la disposition des évêques et des curés, et les églises indéfiniment. Tout paraissait donc bien combiné pour traverser sans accident la première étape, l’étape électorale. Ceux qui avaient voté la loi se complaisaient eux-mêmes dans leur habileté. Malheureusement pour eux, ils ont eu une distraction au sujet des inventaires. Ils attachaient si peu d’importance à l’opération qu’ils ont négligé de l’ajourner, comme ils avaient fait pour tout le reste : ils ont même décidé qu’on y procéderait dès la promulgation de la loi. C’est donc le seul article de celle-ci qui ait été appliqué avant les élections, de sorte que les catholiques qui, à tort ou à raison, voulaient manifester contre elle, n’ont pas eu l’embarras du choix : ils n’ont pu le faire qu’à propos des inventaires, et c’est à cela sans doute qu’il faut attribuer l’intensité d’une agitation aussi disproportionnée avec son objet apparent. Quoi qu’il en soit, le gouvernement a été surpris, et tous les ménagemens qu’il avait accumulés pour que la période électorale ne se ressentît pas de la loi de séparation se sont trouvés inutiles, faute d’un seul. Ce beau plan a manqué dans l’exécution parce qu’on en avait négligé un menu détail. Il nous serait impossible de dire quelles seront les conséquences électorales de ce fait. Peut-être les uns les exagèrent-ils, et les autres les atténuent-ils beaucoup : mais il est certain que le gouvernement s’en préoccupe, et que le scrutin du 6 mai en sera, dans une certaine mesure, influencé.

Les catholiques qui ont manifesté à la porte des églises se flatteront sans doute d’avoir obtenu par là un premier et très important résultat, et ils en triompheront contre nous qui avons désapprouvé ; la forme violente de leur opposition. Mais, d’abord, ce résultat n’est pas encore pleinement atteint et, à supposer qu’il le soit, il faudra encore se demander si c’est vraiment à des intérêts religieux qu’il profitera, ou si ce ne sera pas plutôt à des intérêts politiques. Nous continuons de craindre par-dessus tout la solidarité ou la confusion établie entre ces intérêts divers. Le jour où les catholiques seront