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organisés en France en parti politique, il est douteux que la religion tire un bénéfice durable des alliances qu’elle aura été obligée de contracter. Alors commencera une lutte très longue et dont le dénouement reste incertain, mais qui, à mesure qu’elle se prolongera, accumulera les ruines et les douleurs. Les amis de l’apaisement, nous ne nous le dissimulons pas, n’auront aucun rôle à jouer au milieu des partis extrêmes animés de toutes les ardeurs de la bataille : ils ne pourront intervenir utilement que le jour où la lassitude générale mettra fin au combat. Mais beaucoup de choses précieuses auront péri dans la tourmente ou y auront été endommagées. C’est une des raisons, car il y en a encore d’autres, pour lesquelles la loi de séparation nous a toujours paru la pire des aventures. Nous avons fait contre elle tout ce qui était en notre pouvoir : nous voudrions aujourd’hui en atténuer les conséquences, c’est-à-dire préserver notre malheureux pays d’une guerre civile où chacun des deux partis aura des succès et des revers, et à l’issue de laquelle ils seront très mal en point l’un et l’autre. La campagne ne fait que commencer, et nos observations sont peut-être prématurées. Attendons les élections, puisque les évêques de France ont renvoyé eux-mêmes après cette date leur réunion que nous avions espérée et désirée plus prochaine. Nous souhaitons que le gouvernement comprenne alors la nécessité de reprendre contact avec les catholiques autrement qu’avec des fusils et des sabres, et que les catholiques comprennent à leur tour qu’ils ont en ce moment plus d’intérêt à s’assurer les avantages que la loi leur abandonne, qu’à s’exposer à ne la connaître que par ses rigueurs.


La seconde agitation en présence de laquelle le gouvernement se trouve est l’agitation ouvrière : elle a paru pendant quelques jours très menaçante. L’épouvantable catastrophe de Courrières, où plus de mille ouvriers ont péri au fond d’une mine, a causé une émotion universelle. Jamais le martyrologe de l’industrie moderne n’avait présenté une page plus imprégnée d’horreur. Le premier mouvement, le premier élan de la pitié humaine s’est manifesté sous la forme de secours distribués aux familles des victimes : on peut dire aujourd’hui que tout ce qui est réparable dans ce cruel événement sera généreusement réparé. Pourquoi faut-il qu’à ces sentimens si honorables d’autres soient venus se mêler presque aussitôt ?

On assure qu’un mouvement ouvrier se préparait depuis quelque temps déjà dans la région du Nord : une partie des ouvriers a cru qu’il