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à Lens. Des bandes d’énergumènes, conduites par des individus étrangers au pays, ont tenté d’envahir l’Hôtel de Ville… Sans l’intervention de la force publique, nous aurions aujourd’hui à déplorer de véritables scènes de sauvagerie. » La force publique peut donc servir à quelque chose. « On ne saurait flétrir trop énergiquement » poursuit M. Basly, les fauteurs de ces désordres ; on ne saurait flétrir avec assez d’indignation les misérables qui, pour la satisfaction d’appétits malsains, exploitent odieusement la catastrophe de Courrières où tant de nos braves camarades ont trouvé la mort. » C’est ce que nous disons nous-même, mais avec moins d’énergie. Et M. Basly continue longuement de flétrir ces « individus qui excitent les ouvriers mineurs et ne connaissent rien à la mine, » ces « professionnels de l’anarchie, » ces « gens sans aveu, » enfin ces « oiseaux de proie. » Leur crime, s’écrie-t-il, est d’avoir voulu « abattre nos militans et détruire l’organisation du vieux syndicat. » Il n’y en a pas de plus grand ! On aime à voir comme ces socialistes parlent les uns des autres comme ils s’attaquent, comme ils se défendent. A partir du moment où le citoyen Broutchoux a été arrêté, M. Basly a été l’objet de démonstrations enthousiastes et il est resté seul à la tête du mouvement. Ne nous en plaignons pas : entre deux maux il faut choisir le moindre, et entre deux révolutionnaires celui qui est déjà arrivé.

Nous avons dit que, dans le Pas-de-Calais, la grève était en décroissance : s’il n’en est pas de même dans le Nord, c’est peut-être parce qu’elle y a commencé plus tard et qu’elle n’est pas encore arrivée au terme de son évolution. Mais il nous paraît impossible que la bonne volonté montrée par les compagnies minières ne produise pas son effet et que ce mouvement, qui paraissait si inquiétant il y a quelques jours, n’entre pas bientôt dans une période plus calme. Le référendum qui a eu lieu a donné, il est vrai, une majorité à la continuation de la grève ; mais ce n’est peut-être là qu’un trompe-l’œil. Un très grand nombre d’ouvriers, qui avaient déjà repris le travail, n’ont pas voté ; si on les ajoute à ceux qui se sont prononcés contre la grève, la majorité est largement déplacée au profit de ces derniers. La situation n’en est pas moins grave et, de ce côté encore, le gouvernement éprouve des préoccupations qui sont loin d’être dissipées. Tant de nuages, amoncelés à la veille des élections, pèsent lourdement. Le péril religieux et le péril ouvrier, c’est beaucoup à la fois. Peut-être ne pouvait-on pas échapper au second qui tient à des causes lointaines et profondes ; mais c’est bien bénévolement qu’on a suscité le premier. On a voulu, dit-on, faire de l’apaisement avec la loi de