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conditions ne risquait point de s’adresser au grand public. L’auteur de La de San Quintin (la duchesse de Saint-Quentin) resta donc un inconnu pour la plupart des spectateurs. On connut, au contraire, et dès les premières représentations, l’auteur d’Electra.

L’adaptation qui en fut jouée l’an dernier à la Porte-Saint-Martin n’était pas toujours très heureuse, mais elle avait pour les habitués de ce théâtre le précieux avantage d’être écrite en français. Electra obtint auprès d’eux un succès rapide et retentissant. Les journaux parlèrent bientôt des manifestations qui se produisaient avant, pendant et après la pièce. Ils donnaient des informations qu’il était bien difficile de distinguer d’une ingénieuse réclame. J’eus l’occasion d’aller entendre cette Electra francisée, et je constatai qu’elle pouvait passer pour un modèle de pièce anticléricale. L’acteur qui jouait le rôle de Pantoja (devenu Pantoya, sans doute pour éviter la prononciation de la jota) était, comme on dit, fort bien entré dans la peau de son personnage. Mais le malheureux ne pouvait ouvrir la bouche pour exprimer ses idées morales et religieuses sans être presque aussitôt sifflé ou… injurié. Pendant un entr’acte, j’essayai de faire comprendre à mon voisin, qui s’était particulièrement distingué par ses cris réprobateurs, que la pièce était loin de froisser ses convictions, et qu’il était juste, avant de glorifier une thèse, d’exposer loyalement la thèse contraire. Il me répondit qu’il ne pouvait admettre même une seconde l’apparent triomphe d’une erreur, et que d’ailleurs il était venu pour manifester son sentiment et que cet exercice lui était salutaire. Je ne pouvais que m’incliner devant de telles raisons, et la représentation continua, tandis qu’aux huées qui accueillaient Pantoya faisaient suite les applaudissemens et les bravos qui scandaient chacun des lieux communs de Maxime sur la raison et sur la science. La Porte-Saint-Martin offrait un spectacle qui tenait à la fois de l’Ambigu et de la réunion publique. J’ai déjà dit que cette Electra était un modèle de pièce anticléricale.

Le théâtre de M. Galdós ne mérite ni le silence qui s’est fait chez nous autour de lui après la représentation espagnole de La de San Quintin, ni la sorte de bruit que souleva naguère l’adaptation française d’Electra. Qu’il ait été parfois l’œuvre d’un écrivain de parti, je n’en disconviens point ; mais il ne l’a jamais été de la manière étroite qu’on pourrait croire. Il est d’ailleurs, de l’aveu même de ceux qui n’ont pour lui qu’une médiocre