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contraire en apparence à l’inspiration générale de son théâtre. Est-ce à dire que Bárbara soit une gageure ? Non. Un repentir ? Pas davantage. C’est bien plutôt un ironique divertissement.

Nous en avons une preuve excellente dans sa dernière comédie. Amour et Science, remet, en effet, à la scène les idées les plus chères à l’auteur de Volonté et de Mariucha. Elle nous fait assister à une régénération morale dont les facteurs sont ceux-là mêmes qui donnent son titre à la pièce. C’est par sa science qui réussit à sauver l’enfant qu’elle a eu de son adultère, c’est par son amour qu’elle voit à l’œuvre dans une colonie modèle où il a recueilli quelques déshérités de ce monde, c’est par ces puissances, dont elle n’avait compris ni la grandeur ni la beauté que le médecin Guillermo Bruno corrige l’âme déformée et guérit l’esprit aveuglé de sa femme Paulina, et qu’il la dirige dans la voie nouvelle où elle rencontre le pardon, où elle découvre le véritable sens de la vie. On peut trouver dans la dernière comédie de M. Galdós des lenteurs et des invraisemblances. On ne peut nier qu’elle n’obéit à aucune préoccupation de polémique. Si elle s’efforce de dégager d’une peinture de la vie espagnole contemporaine une aspiration vers des idées plus larges et plus modernes, elle ne se met au service d’aucun parti, et c’est avec le seul souci de l’art qu’elle présente la thèse qui l’inspira. Elle est une des épreuves, non pas les plus vigoureuses, mais les plus pures de ce drame d’analyse morale que M. Galdós n’a pas cessé de vouloir acclimater sur la scène de son pays.


V

Jusqu’à quel point y a-t-il réussi ? Quelle est la valeur et quelle est la portée de son théâtre ? À ces inévitables questions peut-être ne sera-t-il pas trop impertinent d’essayer, pour conclure, de donner une réponse provisoire.

L’œuvre dramatique de M. Galdós, en quelque estime qu’on la tienne, ne doit pas, me semble-t-il, être mise sur le même rang que son œuvre romanesque. C’est dans le roman seulement que M. Galdós pouvait donner toute sa mesure et tirer le plus heureux parti de ses qualités comme aussi de ses défauts. Son amour des minutieuses descriptions morales, la fécondité de son imagination qui se plaît à grouper autour de ses héros favoris tout un peuple de personnages secondaires, la largeur même de