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de la prière, tout le sens intérieur et toute la beauté contemplative de l’art palestrinien.

Elles résument également tout un aspect, celui que nous avons analysé pour finir, de l’œuvre de Michel-Ange. Le jour de ma dernière station dans la Sixtine, je me souviens qu’à mon oreille les trois sœurs mystiques et sonores ne cessèrent de chanter. Je me disais qu’elles étaient trois, et toutes les trois pensives, comme les hôtes qui, là-haut, trois par trois et songeurs aussi, peuplent les triangles de la voûte. Plus que jamais je trouvai que les figures ressemblaient aux sons et que même elles leur étaient soumises. Quelques-unes d’entre elles sans doute, ainsi que les apôtres naguère, avaient cédé au sommeil. Mais les autres, en plus grand nombre, obéissaient, depuis des siècles, au précepte divin de la veillée et de la prière. Alors, entre la peinture et la musique, je sentis s’achever la fusion. L’action et la rêverie, la passion et la pensée, tout désormais leur était commun, et le cercle de leurs correspondances mystérieuses et profondes me parut se fermer.


Ce n’était qu’une apparence, puisque du sanctuaire où la peinture est fixée à jamais, la musique est aujourd’hui presque toujours absente. Elle n’y revient que rarement et comme furtive. Mais voici qu’on y prépare son définitif et glorieux retour. Le Pontife qui décréta la restauration du chant grégorien, n’a pas laissé non plus le chant palestrinien sans témoignage. Il en a remis l’avenir et l’honneur entre les mains les plus dignes et les plus capables de l’assurer. Un jour, bientôt peut-être, don Lorenzo Perosi, le jeune maître de chapelle de la Sixtine, donnera le signal d’autrefois du haut de la tribune de marbre et d’or. Alors, de ces murs deux fois sublimes, imprégnés d’harmonie autant que de couleur, les sons, longtemps captifs, s’exhaleront de nouveau, et l’accord entre l’un et l’autre idéal, qu’ici, notre mémoire, ou notre rêve seul, a tenté de rétablir, cet accord mutilé retrouvera dans la réalité sa plénitude et sa perfection.


CAMILLE BELLAIGUE.