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tant de charme, de sincère mélancolie, de touchant repentir le personnage de la petite Mme Lacouderie, qu’elle l’a tiré au premier plan.

M. de Féraudy a mis pareillement tout son art, toute sa bonhomie, toute sa finesse, au service de ce fâcheux personnage du raisonneur ; il a tout juste réussi à le faire passer.

Mlle Piérat a été très agréable dans le rôle de Juliette. Mmes Pierson et Kolb ont été parfaites en belles-mères ; et M. Mayer a dit avec naturel le rôle assez terne du député socialiste.

Mais l’attention se portait sur deux débuts, ceux de Mlle Cerny et de M. Grand. Ils n’ont pas été heureux, et il n’y a pas de probabilité que ces nouvelles recrues ajoutent beaucoup de lustre à la troupe de la Comédie.

Ce qu’on peut dire de mieux de Mlle Cerny, c’est qu’elle est restée l’actrice de genre que nous avons vue sur d’autres scènes, qu’elle est dépaysée sur la scène de la Comédie, et qu’elle est inégale aux rôles de premier plan.

Quant à M. Grand, voilà quinze ans qu’il ne cesse d’être irrémédiablement médiocre, et nous nous demandons ce qui a pu le désigner au choix de la Comédie-Française. Il est impossible d’être plus dépourvu de souplesse, d’élégance, de charme, de distinction, et généralement de toutes les qualités que comportent les rôles d’amoureux. Toujours pareil à lui-même, il ne s’est jamais avisé qu’il dût chercher à entrer dans l’esprit de son personnage. Son jeu est un perpétuel non-sens.


La comédie, pendant ces dernières années, s’est appliquée avec persévérance à refaire et à parfaire « l’École des vieillards. » On sait combien de pièces ont été consacrées en quelques mois à l’étude de cet âge difficile qui commence aux environs de la soixantaine. C’est encore le sujet d’une pièce de M. Romain Coolus, L’enfant chérie, où ne manquent d’ailleurs ni le talent ni l’originalité.

L’originalité consiste d’abord dans le parti pris, assez neuf, de nous attendrir sur les égaremens de l’âge sénile. On avait jusqu’ici considéré que le spectacle des folies amoureuses d’un grand-père est ou ridicule ou pénible. Mais quoi ! N’y a-t-il pas dans les drames de Corneille et dans ceux de Victor Hugo des vieillards amoureux ? C’est donc que l’amour en cheveux blancs peut contenir une certaine somme de pathétique. Et ne dit-on pas que tout sentiment sincère est touchant par sa sincérité même ? Rien de plus sincère que le sentiment qu’éprouve M. Bourneron pour Madeleine. Il l’aime, comme on aime