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Foreign Quarterly en garde-t-elle plusieurs autres qui auraient mérité d’en être exhumés, pour figurer dans le recueil à la place de ceux-là-De tous les articles ressuscites par M. Garnett, je n’en vois que sept qui, à n’en pas douter, sont l’œuvre de Thackeray : les comptes rendus du Rhin de Victor Hugo, des Impressions de voyage anglaises d’un naturaliste allemand, des Mystères de Paris d’Eugène Sue, du Bananier de Frédéric Soulié, des Lettres parisiennes de Mme de Girardin, de l’Angleterre d’Alfred Michiels ; et une étude d’ensemble consacrée à l’Histoire et au caractère anglais sur la scène française.

Encore serais-je tenté d’ajouter que ces sept articles eux-mêmes, pour authentiques qu’ils soient, auraient fort bien pu se passer d’être reproduits. Lorsque le jeune Thackeray, en 1839, envoyait au Fraser’s Magazine ses impressions de Paris, son âme était toute à la curiosité des milieux nouveaux qu’il essayait de dépeindre. Vivant à Paris, se mêlant de son mieux à la société parisienne, — et songeant aussi, sans doute, au livre qu’il allait tirer de la suite de ses articles, — il était amené d’instinct à transformer ses comptes rendus en fantaisies personnelles. Qu’il parlât à ses lecteurs anglais des romans de George Sand, ou de l’exécution de Fieschi et de Lacenaire, ou de la peinture des Salons, ou des servantes françaises, ou des restaurans et des maisons de jeu du Palais-Royal, chacun des chapitres de son Livre d’Esquisses joignait à son intérêt documentaire l’intérêt et l’agrément supérieurs d’une petite œuvre d’art. Et ainsi son Livre d’Esquisses, en perdant son actualité, n’a rien perdu pour nous de sa valeur propre : par-delà le tableau qu’il nous offre de la société française en 1839, il nous renseigne sur les sentimens, les goûts, l’esprit de son auteur, sur la formation du patient et complexe génie à qui nous devons les seuls « caractères » que le roman anglais puisse opposer à Philippe Bridau, au père Grandet au chanoine Troubert, à Mme Marneffe, aux magnifiques coquins de la Comédie Humaine. Tandis qu’entre 1841 et 1844, pendant les trois années qu’a duré sa collaboration à la Foreign Quarterly Review, la direction de la pensée et de toute la vie de Thackeray a, évidemment, changé. Désormais, ce n’est plus la France qui l’occupe, mais l’Irlande, — qu’il vient d’étudier, précisément, pour le compte de la maison Chapman ; et déjà il rêve d’employer ses impressions irlandaises à la création d’un roman, de ce Barry Lindon qui va faire de lui le continuateur, comme aussi le rival, de son maître Fielding. Chargé par les directeurs de la Foreign Quarterly de rendre compte d’ouvrages français nouvellement parus, il apporte à ce travail anonyme toute