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qu’arrivera-t-il ? Nous avons cru un moment que M. Caillaux nous le dirait dans le discours qu’il a prononcé à l’assemblée générale de l’Alliance républicaine démocratique ; mais il est resté finalement un peu énigmatique, et on trouve dans son discours, au moins sur ce point, plutôt des lueurs que des lumières. Voyons cependant ce qu’il en dit.

M. Caillaux a joué un rôle, lui aussi, dans la discussion de la loi de séparation : il s’est efforcé, nous le reconnaissons, d’en améliorer quelques articles, mais non pas toujours les mêmes que M. Ribot. Il n’a pas tenu à lui que le fameux article 4, celui qui oblige les associations cultuelles à rester en communion avec les curés et les évêques, ne fût ultérieurement ramené à une équivoque. Son récent discours nous livre peut-être le secret de ses préoccupations. M. Caillaux ne croit pas que la loi de séparation ait porté un coup mortel au cléricalisme. « Je m’attends au contraire, dit-il, à des entreprises pour ressusciter les privilèges détruits. Elles se répéteront tant que l’Église, se refusant à suivre les conseils que les sages lui distribuent, n’aura pas notablement évolué, tant qu’elle reposera sur le principe d’autorité absolue en opposition avec l’idée de liberté qui régit les démocraties. Et, d’autre part, nous ne pouvons nous flatter d’avoir, en séparant les Églises de l’État, supprimé la force cléricale. On ne détruit pas les forces, on les transforme. » Dans la première partie de ce passage, M. Caillaux se rapproche assez sensiblement de M. Buisson : il rêve de réformer l’Église en lui appliquant des principes qui ne sont pas les siens. La suite de son discours est plus intéressante. « Nous avons transformé, dit-il, la force cléricale en effaçant pour partie les congrégations religieuses, en éliminant le service public des cultes. Libérée par l’obstruction de ses canaux visibles, elle se diffusera dans l’organisme social et pénétrera les ressorts cachés de la vie civile. » Ainsi, la force cléricale, au lieu d’être endiguée, se répandra partout. En sera-t-elle moins puissante ? En sera-t-elle moins active ? En sera-t-elle moins inquiétante pour ceux qui la redoutent ? « Tout ce qu’on peut dire, conclut M. Caillaux, c’est que, si ce conflit persiste, comme cela est fort probable, il changera sans doute de caractère. L’action législative n’aura plus guère d’occasion de s’affirmer. Il appartiendra en revanche au gouvernement de tenir la main, avec une inflexible modération, à l’application de la loi, de plier l’Église à la pratique du droit commun. Nous ne voulons, ni ne demandons autre chose. » Soit, mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? M. Caillaux estime que l’œuvre législative est à peu près terminée ; la loi actuelle est ce qu’elle est, la Chambre future n’aura