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nullement partagée par les Marocains : ils auraient attendu volontiers des mois encore dans l’espoir qu’une division quelconque se mettrait entre les puissances. Ils ont gardé cette espérance depuis le premier jour jusqu’au dernier, et ne sont probablement pas consolés qu’elle ne se soit pas réalisée. Car l’accord s’est fait sur tous les points, et il est devenu définitif. Peut-être ne s’en réjouit-on pas à Fez autant qu’en Europe ; et pourtant c’est le Sultan qui a provoqué la réunion de la conférence. Il voulait, disait-il, demander des conseils aux puissances, et il promettait de les suivre s’ils lui étaient donnés unanimement. L’unanimité s’est produite au prix de beaucoup de concessions réciproques. L’indépendance du Sultan et l’intégrité de son territoire ont été hautement proclamées et scrupuleusement respectées : dès lors, on ne comprendrait pas qu’une difficulté quelconque se produisit à Pez. Nous sommes convaincus qu’il ne s’en produira pas : mais, encore une fois, on ne peut pas attendre de la diplomatie musulmane qu’elle marche du même pas que les autres, même lorsque les autres marchent du pas le moins accéléré.

Nous avons fait connaître les résultats de la conférence : l’Acte général les a consignés sans y rien changer. Il ne reste plus qu’à se demander quelle impression on en a éprouvée dans les divers pays du monde qui étaient représentés à Algésiras. L’impression a été bonne, comme il fallait s’y attendre. Nous n’avons rencontré nulle part de note discordante, en ce qui touche du moins les solutions qui sont intervenues. Elles ont été accueillies de bonne grâce à Berlin aussi bien qu’à Paris. Mais si on n’a éprouvé de ce chef aucune déception en Allemagne, — et il faut bien le croire puisque tout le monde le dit, — il n’en a pas été de même au sujet de l’attitude que les diverses puissances ont eue et qu’elles ont conservée jusqu’au bout » sans hésitation ni défaillance.

L’opinion allemande n’est pas encore revenue de la surprise et du mécontentement qu’elle en a éprouvés. Nous ne parlons pas du gouvernement : le discours prononcé par M. le prince de Bülow au Reichstag ne porte aucune trace de ces sentimens. Le chancelier de l’Empire s’est contenté d’enregistrer avec satisfaction les résultats de la conférence ; il les a appréciés avec une grande élévation de vues et une parfaite équité, en rendant justice à l’esprit conciliant qui s’était manifesté partout, et dont son gouvernement avait donné des preuves comme le nôtre ; il n’a manifesté d’aigreur contre personne, pas plus contre la Russie que contre l’Italie. Quelques journaux semblent indiquer, peut-être sans en rien savoir, que M. de