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débat l’agriculture. Rapprocher le producteur du consommateur, réduire le nombre des intermédiaires qui les rançonnent en faisant payer cher au second des produits que le premier a vendus bon marché, déjouer les manœuvres de la spéculation qui fausse les cours des marchés, et devient un véritable danger public, européen et mondial, n’est-ce pas une question vitale, peut-être même la question sociale par excellence ? Si le problème n’est pas encore résolu, ce n’est pas faute d’y songer. En attendant, la vente directe aux consommateurs a surtout réussi pour des produits spéciaux à certaines contrées et ne rencontrant qu’une concurrence restreinte : alors le syndicat agit par la publicité, les renseignemens et le courtage gratuit dont bénéficient ses adhérens ; aussi préfère-t-il s’adresser à un groupement déjà formé, à d’autres syndicats par exemple.

Le comte de Rocquigny rapporte que, dans l’Hérault, les Pyrénées-Orientales, l’Aude, des syndicats placent des vins garantis naturels, en envoyant des échantillons, et d’après un roulement déterminé entre les syndiqués par le sort ; de même en Normandie, en Bretagne, pour les cidres, pommes à cidre, beurres de table et fromages frais qu’on expédie facilement par colis postaux de dix kilos. D’autres syndicats vendent des huiles d’olive, des chevaux, des bestiaux limousins et cotentins, des porcelets de race craonnaise, des semences, des cocons, du lait, de la fleur d’oranger, des légumes en primeur, des fruits frais ou secs, des fleurs coupées. Le syndicat des agriculteurs de la Manche place cidres, grains, pailles, bestiaux, pour 150 000 francs par an. Le commerce et l’industrie ont besoin de trouver des lots uniformes de produits, ou de matières premières, sans frais de déplacement et de courtage : les syndicats peuvent les livrer en quantité considérable. Leur participation aux marchés publics a donné lieu, en 1890, à un essai de vente en commun : le syndicat de Romorantin a entrepris cette vente pour les primeurs, telles que pommes de terre, asperges, haricots, et il l’a organisée d’une façon fort ingénieuse sur le marché de Paris : Une commission des ventes, des marchés fixes passés par cette Commission, sa surveillance, sa responsabilité dans les livraisons, une exacte administration, ont permis un bénéfice de 30 pour 100 sur les cours des années précédentes.

Afin de suppléer à l’insuffisance de leurs moyens d’action, beaucoup de syndicats ont créé des rouages ou organismes spéciaux,