Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivacité, n’ont rien à voir dans cette affaire qui ne les regarde pas ! » Puis alors elle se faisait modeste ; elle jurait qu’elle n’avait pas l’intention de dépenser cet argent pour son usage personnel, qu’elle en avait besoin afin de donner quelques gratifications à des particuliers. Des mois se passèrent ; rien ne vint de Nantes. La reine fit lancer de nouvelles lettres de jussion ; elle écrivit à nouveau de longues séries de lettres ; Henri IV n’avait pas expédié de missive autographe : elle attendit en vain !

Longue est la liste des propositions de recettes qui ont été ainsi faites à Henri IV par Marie de Médicis et acceptées par lui dans des conditions illusoires.

Les moins compliquées aboutissaient à la création de fonctions publiques nouvelles. Mais les charges se payant en ce temps et tout accroissement du nombre de ces charges amenant la diminution de la valeur des autres, les résistances des corporations dont on lésait les intérêts, provoquées par là comme à plaisir, venaient encore rendre plus malaisée la perception de la recette. Quand il ne s’agit que d’instituer, ce que fait Henri IV en 1604, deux receveurs, deux payeurs et deux contrôleurs de rentes en Normandie, il n’y a que la chambre des comptes de Rouen qui fasse quelque difficulté pour une question ne la touchant d’ailleurs pas directement. Il n’en va pas de même lorsqu’en 1605 le roi consent à créer au parlement de Rennes deux charges de conseillers. Marie de Médicis a pressé le chancelier de rédiger l’édit, de le sceller, de l’expédier, afin que « l’affaire soit promptement dépêchée ; » le parlement de Bretagne refuse d’accepter cette augmentation de magistrats. Un an après la signature de l’édit, l’acte n’est pas enregistré. Il finira par l’être, mais au prix de combien d’instances et de prières ! — En 1604, le roi a créé dans les mêmes conditions quatre charges de conseillers aux requêtes au parlement de Toulouse soi-disant pour aider la reine à payer les frais des réparations qu’elle fait au château de Montceaux. Le parlement de Toulouse refuse de vérifier l’édit. Lettres de jussion succèdent encore suis, lettres de jussion ; missives adressées par la souveraine à chacun des présidents et conseillers sont expédiées année par année en Languedoc. Trois ans après, en 1607, Marie de Médicis écrivait toujours ses séries de lettres et le roi libellait ses lettres de jussion sans plus de succès. « Le parlement a tenu si peu de compte, — mandait-t-elle irritée, en 1608, au premier président de Toulouse, M. de Verdun, — des ordres et prières qu’on lui a