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un état de dénûment complet. Ne s’avisa-t-on pas de décider qu’on leur enlèverait, pour prix de cette hospitalité transitoire, leurs « hardes, meubles, or et argent monnayé ou non monnayé, » et que le produit de cette manière de brigandage reviendrait à la reine ! Le parlement de Toulouse mit heureusement une mauvaise volonté honorable à ce détroussement singulier.

Était-ce effet de la quantité chaque jour croissante d’arriérés ou le résultat de l’opposition des cours souveraines rendant vains les dons du roi ? Tous ces expédients furent insuffisants. En dehors et à l’insu d’Henri IV, Marie de Médicis résolut alors, afin d’accroître plus délibérément ses recettes, d’essayer des entreprises commerciales et de tenter des combinaisons fructueuses de nature diverse.

Elle fit, d’abord, de l’armement. Elle acheta « un gros vaisseau, » aux Pays-Bas, et se proposa d’entreprendre le transport maritime de la côte hollandaise à la côte italienne. Mal lui en prit. Les États des Provinces-Unies, ignorant la haute qualité de l’armateur, mirent l’embargo sur le bâtiment en question, à propos de contraventions quelconques, et le gardèrent. La reine fit réclamer par Henri IV. Elle reçut une réponse défavorable. « Touchée au cœur, » comme elle écrit, elle s’adressa à son ambassadeur à la Haye, M. de Buzanval, à l’envoyé des Provinces-Unies en France, Aarsens, remuant ciel et terre afin de se faire rendre son navire : ce premier essai n’avait pas était heureux.

Elle s’y prit autrement : elle commandita. Étant venue au Havre, au cours d’un voyage, elle consentit à placer plusieurs milliers d’écus sur quatre vaisseaux en partance pour le Pérou, voulant « courir risque ! » Un M. de Serre fut par elle chargé « de prendre garde à leur retour afin, dit-elle, de me faire savoir ce qui reviendrait à mon profit de cet argent ». A la saison marquée, elle prévenait M. de Serre a qu’il eût à avoir l’œil exactement à l’arrivée de chacun desdits vaisseaux et à ce qu’ils rapporteront, vous faisant présenter par le menu leurs marchandises, papiers et inventaires, afin que je ne puisse estre fustrée de ce qui m’en peut appartenir. » Malheureusement la campagne avait été détestable ; l’affaire fut mauvaise. Non seulement Marie de Médicis n’avait aucun profit à espérer, mais le capital même était compromis. « La fortune a été si peu favorable, écrivait-elle mélancoliquement, tant s’en fault qu’utilité en provienne aucune, qu’il sera même impossible d’en retirer mon principal ! » Le second essai n’avait pas été satisfaisant.