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du temps, en effet, professaient des théories compliquées sur la situation juridique en France des biens personnels de la reine par rapport au roi, à la couronne et aux sujets. Henri IV avait eu de longues discussions avec la veuve de son prédécesseur Henri III, Louise de Vaudemont, au sujet de la fixation du douaire de celle-ci : observations, dupliques, répliques avaient été échangées entre conseils des deux parties à propos du contrat de mariage de la princesse intéressée, et ce n’avait été que trois ans après la mort d’Henri III, en octobre 1592, que sa veuve avait pu voir régler sa situation matérielle.

Les lettres patentes du 25 juillet 1611 décidèrent que l’entrée en jouissance pour la reine des biens de son douaire partirait du 1er janvier 1612. Il avait fallu un an et demi afin de liquider la question ! Marie de Médicis réclama les arrérages depuis la date de la mort de Henri IV. Une quinzaine de terres constituant ces biens étaient énumérées : duché de Bourbonnais, comté de la Marche, duché d’Auvergne, comté d’Auvergne et de Clermont, baronnie de la Tour, comté de Forez, comté de Nantes et châtellenie de Guérande, etc. La reine était « le seigneur » de ces terres, c’est-à-dire qu’elle en touchait seulement les revenus féodaux et seigneuriaux, lods, ventes, aubaines, amendes, confiscations, finances de nominations aux offices et aux bénéfices. Le duché de Bourbonnais — qui avait fait partie déjà du douaire de Louise de Vaudemont et paraissait ainsi destiné à l’usage, — rapportait de ce chef à peine 4 300 livres. Les réalités ne répondaient pas aux apparences. Bon an mal an, au dire des gens de finances, l’ensemble des revenus de ces terres devait donner 150 000 livres.

Mise en goût, Marie de Médicis développa ce domaine par des acquisitions à titre privé. Elle s’arrangea de façon à payer au moyen des ressources extraordinaires que, de par son autorité de reine régente, elle parvenait à ramasser ici ou là, après quoi les rentes annuelles lui étaient acquises. De la sorte, dès 1611, elle se mit à acheter la terre et seigneurie de Saint-Jean-des-Deux-Jumeaux, près de son château de Montceaux ; en 1612 les terres de Carentan et de Saint-Lô du maréchal de Matignon ; en 1613 le duché d’Alençon d’un prince allemand, le duc de Wurtemberg. Celle dernière acquisition fut la plus importante, la plus difficile. Elle met en lumière, d’une façon spéciale, et les procédés employés par Marie dans ces sortes d’opération et les mœurs financières des princes du temps.