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encore en un autre endroit, comme avant lui Vincent de Lérins, et comme depuis lui, celui qui devait être le Cardinal Newman : « La plante est l’image naturelle des pouvoirs légitimes. » Je renvoie, pour le surplus, le lecteur qui voudrait mesurer l’importance de cette philosophie de l’évolution dans le système de Joseph de Maistre, aux Soirées de Saint-Pétersbourg, et à l’Essai sur le Principe Générateur des Constitutions Politiques.

Aussi bien, — et M. Latreille ne l’a peut-être pas assez dit, — n’en finirait-on pas si l’on voulait relever tout ce qui se rencontre dans le livre Du Pape, et presque à chaque page, de vérités profondes et fécondes, ou de vues originales, philosophiques et littéraires, historiques et politiques. Il y a de l’affectation, nous l’avons dit, et même de la préciosité : je ne sais si l’on ne pourrait dire qu’il y a aussi de la « rhétorique » et de la « sophistique. » « Dans l’ordre moral et dans l’ordre physique, les lois de la fermentation sont les mêmes. Elle naît du contact, et se proportionne aux masses fermentantes. Rassemblez des hommes rendus spiritueux par une passion quelconque, vous ne tarderez pas à voir la chaleur, puis l’exaltation, et bientôt le délire, précisément comme dans le monde matériel, la fermentation turbulente, mène rapidement à l’acide et celle-ci à la putride. » Les exemples de ce galimatias pseudo-scientifique et surtout pédantesque sont heureusement assez rares dans le livre Du Pape. On y voudrait aussi rencontrer moins de raisonnemens comme celui-ci, dont on dirait en vérité que l’auteur se moque du monde, s’il n’était Joseph de Maistre : « Constantin céda Rome au Pape. La conscience du genre humain qui est infaillible, ne l’entendit pas autrement, et de là naquit la fable de la donation, qui est très vraie, — c’est l’auteur qui souligne. — L’antiquité, qui aime assez voir et toucher tout, fit bientôt de l’abandon, qu’elle n’aurait pas même su nommer, une donation dans les formes. Elle la vit écrite sur le parchemin, et déposée sur l’autel de Saint-Pierre. Les modernes crient à la fausseté, et c’est l’innocence même qui racontait ainsi ses pensées. Il n’y a donc rien de si vrai que la donation de Constantin. » Dirai-je là-dessus qu’il y a mieux que cette « entorse à la vérité, » et que c’est le mot de Sainte-Beuve, qui l’appelle quelque part « une entorse… à la Michel-Ange ! »

Mais le grand écrivain et le penseur profond ne s’en dégagent pas moins du milieu de cette confusion, et se retrouvent. Ils se retrouvent dans la digression sur « la langue Latine, » le plus bel éloge qu’on ait jamais fait de cette langue admirable, et la plus capable qu’il y ait eue d’exprimer des « choses éternelles. » Ils se retrouvent dans ces observations qu’on dirait jetées en passant comme un trait de lumière et sur la