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d’abondance. Peut-être le corps électoral s’en serait-il ému : nous disons peut-être, sans affirmer davantage. Mais le gouvernement a eu l’habileté de s’arrêter à temps, et de remettre la suite des opérations au lendemain, ou au surlendemain des élections. Rien ne presse, en effet, puisque les biens qu’il s’agit d’inventorier ne doivent être remis aux associations cultuelles qu’après le 9 décembre, et que ces associations ont jusqu’à cette date pour se former. Si elles ne se forment pas, ces biens seront affectés à des œuvres de charité laïque, voilà tout. Si elles se forment, M. Clémenceau a déclaré à Lyon que seuls les biens qui auraient été inventoriés leur seraient remis. A quoi bon anticiper sur les événemens ? M. Clémenceau a fait un mot d’esprit sur le peu d’intérêt qu’avaient à ses yeux des opérations dont l’objet était de dénombrer dans des sacristies des chandeliers et des plumeaux. Il les a suspendues partout où elles semblaient devoir rencontrer des difficultés, et le combat a fini faute de combattans. Ce n’est d’ailleurs qu’un armistice ; mais il a suffi pour faire un apaisement provisoire. Ce gros nuage des inventaires s’est dissipé aussi rapidement et aussi artificiellement qu’il s’était formé. La foudre n’en est pas sortie ; le tonnerre a même cessé de gronder, et la guerre religieuse a été renvoyée à un temps plus favorable. Reste à savoir si les catholiques y donneront des prétextes : en tout cas, nous laissons à d’autres la responsabilité de les y pousser. On dit que les inventaires ont montré la vitalité, la puissance, la force d’explosion du sentiment religieux. Nous craignons, au contraire, qu’ils n’aient donné aux catholiques l’illusion d’une force qu’ils n’ont pas, qui ne peut d’ailleurs s’exercer qu’en se combinant avec des élémens politiques qui en feraient une faiblesse, et qui les conduirait tout droit à une défaite beaucoup plus écrasante que celles qu’ils ont éprouvées jusqu’ici. Le croyant, nous le disons avec franchise, pour n’avoir aucune part, même par notre silence, à des événemens que nous redoutons.

Le sens des élections est très clair : on s’efforcerait en vain de l’obscurcir. La Chambre, telle qu’elle est constituée, ne modifiera certainement pas la loi de séparation. Tout ce qu’on peut attendre d’elle, en vertu des promesses électorales, dont nous avons parlé, c’est qu’elle veille à ce que le gouvernement en fasse une application modérée. Il est probable, — ne nous engageons pas trop, — que c’est en ce moment le désir de la majorité nouvelle ; mais c’est un désir qu’il ne faudrait pas soumettre à des épreuves trop fortes, ni trop prolongées. Pour les violens et les sectaires, et malheureusement il y en a beaucoup, le scrutin du 6 mai est une justification et un encouragement. Deux tendances