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l’a cru et s’en est bien trouvé. Rien n’est d’ailleurs plus facile que de découvrir un complot. Il y a dans tous les partis d’opposition constitutionnelle des hommes à l’esprit faible ou à l’esprit violent qui passent leur temps à conspirer. On les connaît, on s’en amuse, et cela ne fait de mal à personne. Les conspirations ne sont dangereuses que lorsque l’opinion publique y correspond et les favorise, et la meilleure défense que les gouvernemens ont contre elles est de ne pas donner des prétextes au mécontentement. Mais il n’y a pas un seul moment où on ne puisse mettre la main sur un complot, ou sur un simili complot, lorsqu’on croit en avoir besoin. La police sait parfaitement bien où il faut jeter le filet, avec la certitude de rapporter au jour quelque chose. Cette fois, cependant, elle ne s’est pas donné assez de peine. À propos d’une instruction ouverte sur les grèves du Nord et du Pas-de-Calais, instruction qui devait s’étendre à toutes les responsabilités, à toutes sans exception, disait-on avec le plus grand sérieux, on a réveillé un matin, au lever du jour, un certain nombre de malheureux, qui dormaient du sommeil de l’innocence et on les a mis en état d’arrestation. Pour ne pas faire de jaloux, et aussi pour donner à croire que les tentatives révolutionnaires de Lens et de Denain, se rattachaient aux manœuvres des partis les plus divers aussi bien que les plus dangereux, on a arrêté à la fois quelques anarchistes, quelques royalistes et quelques bonapartistes. On voulait prouver que les grèves du Nord étaient alimentées par l’argent du prince Napoléon et du duc d’Orléans, qui, comme on le sait, en ont énormément et en sont prodigues. Par malheur, on est tombé sur des comparses dont quelques-uns étaient trop notoirement faits pour inspirer la pitié plutôt que la terreur. Nous ne voulons pas insister : il a été douloureux pour certaines familles de voir tomber dans la publicité des confidences qui se rapportaient à la santé de leurs membres. C’est le côté odieux de cette comédie. Le côté joyeux a été l’histoire d’un jeune homme qui n’a pas terminé ses classes et qui, du pas dont il y avance, ne les terminera peut-être jamais, dans lequel on a découvert la cheville ouvrière du complot. Comment ? Au moyen d’un agent provocateur qui s’est emparé de sa confiance, l’a aidé dans la rédaction de lettres compromettantes, l’y a même remplacé quelquefois, et, le moment venu, a enlevé tous ces papiers pour en faire part, d’un côté à la police et de l’autre à la presse la plus dévouée au gouvernement.

Quand ces révélations sensationnelles, comme on dit aujourd’hui, ont paru dans les journaux, à Paris tout le monde on a ri, mais en province, on a pris la chose plus gravement. Les personnes qu’on avait