Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapproche de la population de toute l’île de Sardaigne il y a vingt ans (682 000 habitans en 1882). La population musulmane montant à 4 098 000 âmes d’après le recensement de 1901, et devant atteindre, à l’heure présente, 4 300 000 âmes, il résulte de ce rapprochement que les Européens sont en Algérie à la population musulmane indigène dans le rapport de 1 à 6 1/2 ou 7.

Que les gens impatiens et irréfléchis jugent ces résultats médiocres, cela est permis à leur ignorance ou à leur légèreté. Mais tout homme qui a suivi avec attention l’histoire de la colonisation chez tous les peuples, et qui connaît particulièrement les difficultés inhérentes aux colonies mixtes, déjà peuplées par une race assez avancée, occupant solidement le sol, doit porter un jugement très favorable sur un régime qui, en moins de trois quarts de siècle, ou même en un demi-siècle tout au plus d’occupation complète, a enraciné 630 000 Européens libres, en une terre où auparavant il ne se rencontrait que quelques milliers d’Européens à, l’état de captivité ou d’esclavage.

Sur ces 630 000 Européens, presque exactement la moitié est Française d’origine, les autres étant tous Espagnols à peu près ou Italiens, ou Maltais, c’est-à-dire appartenant à des groupes ethniques très rapprochés du nôtre par la langue, par les habitudes, par le caractère, par la tradition. S’il peut y avoir quelques difficultés de détail à cette juxtaposition de Français purs et d’Européens appartenant aux autres grandes branches de la race latine, il n’y a pas entre eux d’antagonisme fondamental, difficilement réductible ; et c’est tout ce que l’on peut demander en colonisation.

L’excellence de la situation démographique de l’Algérie et l’avenir des divers élémens de la colonie sont attestés par le taux de la natalité et de la mortalité : 3,21 pour 100 de natalité en 1903 chez les indigènes musulmans, et encore 3,14 en 1904, année défavorable, contre 1,85 de mortalité dans la première année et 2,76 dans la seconde, qui fut affectée exceptionnellement, à la suite de pluies exceptionnelles, d’une recrudescence de paludisme : 3,09 pour 100 et 3,04 pour 100 respectivement de natalité parmi les Européens, dans ces deux années 1903 et 1904, contre 1,88 et 2,37 de mortalité ; ces chiffres doivent subir de légères modifications, parce que les statistiques algériennes ont compris parmi les Européens les Israélites indigènes, élément particulièrement vivace, prolifique et doué de longévité ; mais, comme ils ne sont qu’une