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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/563

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sont les conséquences globales de ces réflexions fragmentaires ? et cette préoccupation positive peut-elle se traduire par une classification méthodique qui soit en toute vérité géographique ?

À coup sûr l’homme ne doit pas être oublié par la géographie, puisque la géographie humaine tend au contraire à remettre en leur vraie place les œuvres de l’homme. Mais la géographie humaine est d’abord géographie, et non point psychologie, sociologie, ou histoire. À l’aube un peu confuse de son développement, elle a pu être détournée de son objet propre ; elle a pu être trop inconsidérément mêlée à toutes les autres sciences de l’homme ; elle a pu être accusée et non sans raison de « toucher à tout » sans avoir un domaine et une discipline bien à elle. Il est temps d’endiguer tous ces débordemens illégitimes, et l’effort des vrais géographes tend aujourd’hui à définir quel est leur champ propre d’observation et à s’y cantonner.

Prendre d’abord en considération les besoins physiologiques des hommes, ainsi que nous l’avons fait, c’est expliquer comment, dès ses premiers pas et dès ses premières heures d’existence, l’être humain, quel qu’il soit, entre fatalement en contact avec le monde physique. Une fois ces nécessités rappelées, n’y a-t-il pas urgence à délaisser non seulement toute notion a priori, tout parti-pris, mais toute donnée spéciale concernant l’organisme humain ? N’y a-t-il pas moyen de mettre à l’origine de toute géographie humaine moins de connaissance acquise de l’homme et plus de géographie ? N’y a-t-il pas devoir à se dégager autant que faire se peut, de toute conception psychologique, ethnologique ou sociale, et à remplir cette mission première, c’est-à-dire l’observation positive des faits humains sur la terre, en y mêlant le moins possible l’élément subjectif humain ?


Élevons-nous, comme l’imagine à peu près le géologue Suess au début de son grand ouvrage Das Antlitz der Erde, La Face de la Terre, élevons-nous en ballon à quelques centaines de mètres au-dessus du sol ; et, l’esprit débarrassé de tout ce que nous savons des hommes, tentons de voir et de noter les faits essentiels de la géographie humaine avec les mêmes yeux et du même regard qui nous permettent de découvrir et de démêler les traits morphologiques, topographiques, hydrographiques de la surface terrestre. De cet observatoire supposé, qu’apercevons-nous ? Ou mieux