Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rétribués jusque sous le règne de Charles IX, l’arbalète, plus facile à bander, d’un tir plus sûr à cause de son point de mire, remplaça de bonne heure les arcs de deux mètres de dimension, fort malaisés à tendre. Les conciles du XIIe siècle l’avaient frappée d’anathème comme trop meurtrière, par le même sentiment d’humanité qui fait prohiber, en nos congrès diplomatiques, l’emploi des balles explosibles. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, l’arbalète tint tête à l’arquebuse et ne céda la place qu’au mousquet.

Moins raffiné dans son art, d’une classe plus modeste, l’arbalétrier a moins de prétentions que l’archer. Un maître des arbalétriers d’Amiens qui touche 11.000 fr. (1449) et le bandeur d’arbalète de la Reine qui en touche 7.000 (1536) sont des individus exceptionnels ; les mieux payés, en campagne, ont 3.500 fr. et leurs « pavoisiers, » qui les accompagnent et les protègent dans les combats, ont 2.500 fr. Les moins rétribués touchent 1.200 fr.

Cette dernière solde est à peu près le maximum des arquebusiers, qui se contentent souvent de 800 à 900 fr. non qu’ils fussent moins adroits ; mais l’apparition de l’arquebuse coïncide avec la baisse des gages militaires, influencés à coup sûr par ce qu’on pourrait appeler le « Krack des salaires » au XVIe siècle, la misère croissante des classes laborieuses, et, peut-être, par l’organisation d’armées régulières, recrutées au loin. Au début du règne de Henri IV l’arquebusier portant « salade, » corcelet ou morion, touchait 845 fr., le caporal 1.250 fr. et le sergent 1.600 fr.

Ce terme de « sergent » ou a servant » — car les deux, à l’origine, furent pris l’un pour l’autre — qui est aujourd’hui synonyme de sous-officier, signifiait au moyen âge, un sous-homme d’armes, un « soldat secondaire » et, sous Louis XIV encore, lorsque les « bas-officiers, » fourriers, anspessades et autres, étaient depuis longtemps supérieurs aux simples soldats, dans l’infanterie, ils demeuraient, dans les compagnies de chevaux-légers ou de gendarmes, inférieurs aux simples cavaliers. Mais, quelque soit le nom sous lequel on le désigne — client, baionensis, sergent, varlet, piquier ou fantassin — le simple « homme de pied, » d’emploi et d’armure non spécifiés, touche de 2.200 à 1.400 fr. par an depuis saint Louis jusqu’à François Ier ; tandis qu’à partir de 1550 sa paie tombe à 700 fr. et, au maximum, à 900 fr.

L’époque la plus chère fut le XV siècle ; ce n’est pas que le besoin de soldats ait été plus grand alors qu’à la fin du XVIe siècle,