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cette ville, de reprendre le costume féminin, car je retrouvai en cet endroit le général Sokol et beaucoup de mes anciens compagnons d’armes.

Le Père Benvenuto a été frappé d’une balle au cœur au moment où il levait le crucifix pour bénir les soldats : le souvenir de ce saint vivra encore longtemps en Pologne et dans le cœur de ceux qui ont eu le bonheur de le connaître.


Fatiguée par la rude vie de camp et par toutes les émotions ressenties, éprouvant surtout la nostalgie du pays natal, Tony Lix revint en France. Elle se rendit à Paris vers 1868, mais, entre temps elle avait trouvé l’occasion d’échanger ses épaulettes de lieutenant de uhlands contre la blouse et le tablier de l’infirmière et d’exercer son infatigable dévouement et sa passion de sacrifice lors de la terrible épidémie de choléra qui sévit à Lille en 1866. On la vit, sans crainte de la contagion, dans les demeures des indigens, de ceux qui n’avaient personne pour les soigner, s’installer à leur chevet, ne les abandonner ni jour ni nuit, si ce n’est pour courir à d’autres malades.

Son courage, son rare mérite ayant été vivement appréciés par le gouvernement, elle obtint, grâce à Mme Forcade de la Roquette, dont le mari était alors ministre, un bureau de postes à Lamarche (Vosges) où elle s’installa tout heureuse de trouver enfin du calme, de se reposer dans un pays merveilleux et entourée de douces affections.

Foncièrement bonne et sensible aux souffrances du prochain, elle fonda un ouvroir pour les enfans pauvres dont elle s’occupait aux heures de loisir laissées par le service. Elle s’intéressait encore d’une façon presque maternelle à ses humbles collaborateurs, les soignant quand ils étaient malades, les secourant en toute occasion, ayant toujours un mot aimable, une parole encourageante à leur dire quand ils revenaient fatigués de leurs longues tournées à travers la campagne. Aussi ses facteurs l’adoraient-ils.

Un jour, l’un d’eux manque à l’appel. C’était en hiver ; le temps avait été sombre, une épaisse couche de neige couvrait la terre glacée, il faisait très froid et déjà nuit. Inquiète, craignant un malheur, Mlle Lix fit aussitôt allumer des lanternes et, accompagnée de deux hommes, se mit à travers forêt à la recherche du retardataire. On le retrouva couché au bord du chemin, sain et sauf, seulement… un peu gris. La receveuse le gronda doucement, lui représenta les