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jugeait déplorable. Montholon, notre ministre en Portugal, ayant manifesté son regret de ce que le gouvernement portugais eût permis à Montpensier de descendre à Lisbonne, l’Empereur fit informer Mercier que ce langage n’avait aucun caractère officiel : « Il n’a pas été dans nos intentions de peser sur le gouvernement de Lisbonne. Quel que soit notre intérêt au maintien de la tranquillité en Espagne, nous n’avons pas à nous substituer au gouvernement de Madrid et à suppléer à son abstention dans des questions aussi délicates[1]. » A son retour de Plombières, après un arrêt à Troyes, où il avait affirmé que rien ne menaçait la paix du monde, Napoléon III se disposait à se rendre au camp de Châlons, puis à Biarritz lorsqu’il apprit que la reine d’Espagne, alors à Saint-Sébastien, se proposait de le visiter. Aussitôt il fit télégraphier à Mercier : « L’Empereur vous fait dire confidentiellement qu’il désire savoir à quelle époque aura lieu le retour de la Reine à Madrid. C’est parce qu’il ne voudrait pas la rencontrer à Biarritz. Agissez en conséquence sans faire connaître l’intention de Sa Majesté[2]. » Le 3 septembre, en partant pour Châlons, il ordonne à Moustier de renouveler l’avertissement : « Malgré tout le désir que Sa Majesté aurait de voir la Reine, cette entrevue, dans les circonstances actuelles, prêterait à une foule d’interprétations qui ne seraient bonnes ni pour les uns ni pour les autres. » Et il fut convenu qu’on s’en tiendrait à des complimens échangés par des aides de camp. L’entrevue qu’on voulait éviter eut lieu, cependant, mais dans des circonstances bien différentes. C’est en fugitive et non en reine qu’Isabelle vint vers l’Empereur. Il la combla d’égards, mit le château de Pau à sa disposition ; toutefois, dès ce premier moment, il affirma la volonté, dont il ne s’est jamais départi, de ne pas intervenir dans le mouvement intérieur de l’Espagne. Il télégraphia à Moustier (22 septembre) : « Il serait utile de faire pressentir dans les journaux que, quelle que soit la tournure que prendront ces événemens, l’Empereur ne compte pas y intervenir. » Des navires furent envoyés à Barcelone, Cadix, la Corogne, avec instructions de a ne se mêler en rien des affaires intérieures d’Espagne et de se borner à protéger nos nationaux. » (30 septembre.) Aussitôt le gouvernement nouveau constitué, Moustier, sur les

  1. Moustier à Mercier, 3 août 1868.
  2. De Moustier, Paris, 26 août.