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ordres de l’Empereur, répondit à la notification officielle des nouveaux venus « par les assurances du bon vouloir que nous entendons apporter dans nos relations internationales en attendant que la constitution d’un pouvoir définitif nous permette de replacer sur un pied normal les rapports officiels des deux cabinets. » Il engagea le gouvernement anglais à s’expliquer dans le même sens. A l’annonce de la convocation d’une Assemblée constituante, « la plus stricte neutralité vis-à-vis du suffrage universel » fut enjointe à notre représentant.

De toutes les solutions à prévoir, la plus désagréable à Napoléon III serait certainement celle qui introniserait Montpensier. Il aurait eu le droit de s’y opposer, car elle eût été une cause de trouble intérieur pour son propre royaume. Ainsi que Beust le disait à Gramont : « Il ne faut pas se dissimuler que l’avènement du Duc de Montpensier serait un encouragement pour les partis anti-dynastiques en France, et un échec pour le gouvernement de l’Empereur. L’opposition y puiserait une ardeur et une force nouvelles, et Je gouvernement espagnol ne tarderait pas, bon gré mal gré, à devenir pour la France, un voisin incommode, un foyer d’intrigues et un sujet d’inquiétudes continuelles, qui pourraient à la longue, produire des difficultés intérieures, que le machiavélisme de Berlin recherche, comme un des élémens de sa politique de l’avenir[1]. » Néanmoins l’Empereur se garda de notifier même cette exclusion. Il écrivit à notre ambassadeur : « Mon cher monsieur Mercier, je vous ai fait part, l’autre jour, de mes premières impressions ; mais, en réfléchissant à toutes les difficultés que rencontrera un gouvernement qui succédera à celui de la Reine, je pense qu’il faut se borner à dire bien haut que mon gouvernement, issu du suffrage universel, reconnaîtra avec empressement tout gouvernement qui sera le résultat de l’élection populaire. En répétant ce thème sur tous les tons, sans avoir l’air de faire des réserves pour la combinaison Montpensier, on témoigne un grand respect de la souveraineté populaire et on ne froisse aucunement le sentiment national. Si la chance favorisait le Duc de Montpensier, je crois qu’il rencontrerait tant de difficultés qu’il ne resterait pas longtemps. » Mercier se garda donc de toute ingérence. L’Empereur, d’un coup d’œil en quelque sorte prophétique, voyait la seule

  1. Lettre particulière de Gramont à Moustier, 20 octobre 1868.