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mari assassiné de Catherine II. A la tête de ses bandes, il pendait tous les nobles qu’il prenait ; il ne visait en aucune manière à conquérir la liberté politique.

Durant le règne de la Grande Catherine, une sorte de libéralisme sentimental était de mode chez la souveraine et dans les cercles de la Cour. Catherine II correspondait avec Voltaire, Diderot, d’Alembert ; malgré son goût pour les encyclopédistes, elle savait s’adapter à merveille aux principes religieux et sociaux sur lesquels était fondée la Russie. Elle faisait élaborer des plans de constitution interdits en France. Mais la Révolution française n’était pas de nature à engager la Tsarine dans ces nouveautés. Elle envoyait en Sibérie Radichtchef, condamné pour son livre Voyage de Pétersbourg à Moscou, dirigé contre le servage ; elle poursuivait les premières sociétés secrètes où le franc-maçon Novikof, l’ancêtre des révolutionnaires russes, répandait les idées de liberté et d’égalité.

Après la réaction de Paul Ier, Alexandre, élève de La Harpe, manifesta des velléités libérales. Il rêvait de protéger ses sujets contre l’arbitraire, en leur donnant les droits fondamentaux de l’Habeas Corpus, et d’affranchir les paysans. La constitution de la Finlande, la suppression du servage dans les provinces balliques, la constitution polonaise de 1815, semblaient annoncer d’autres changemens. L’opposition des nobles et de la bureaucratie triomphèrent de la volonté débile d’Alexandre Ier, entravée d’ailleurs par les guerres. Spéranski, le fervent adepte des réformes, tomba en 1812. La seconde partie du règne, sous l’influence du caporalisme d’Araktchéief, et du mysticisme de la Sainte-Alliance, ne devait pas tenir les promesses de la première.

Cependant les campagnes contre Napoléon, l’invasion en France, le contact avec les idées occidentales, suggéraient, après 1815, à quelques jeunes officiers de la haute noblesse le désir de transformer la Russie en un pays libre. Ils fondèrent la Société littéraire Arzamas qui devint politique à partir de 1817 ; ils s’élevaient contre les abus, la corruption dans la bureaucratie, l’arbitraire dans la justice, la brutalité dans le traitement des serfs et des soldats ; ils croyaient que le Tsar ne pouvait s’opposer à des réformes urgentes. Mais, en 1822, la réaction devint plus marquée, toutes les loges maçonniques furent fermées : la société dut se dissoudre. Elle se reconstitua en deux sections, celle du Nord et celle du