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d’union entre la France et la colonie en serait même plutôt consolidée, les différences ethniques de la population algérienne ne permettant pas à la colonie de constituer une nation absolument autonome et de se passer de la protection, de la direction discrète et maternelle d’une grande puissance européenne. Le séparatisme ne peut se produire en Algérie, puisque la population européenne, toujours en faible minorité, ne pourrait maintenir ses avantages et même sa liberté sans l’appui d’une métropole puissante.

On ne doit pas s’alarmer des différences d’origine au sein des colons. Sur les 630 000 Européens en nombre rond, dont le recensement, qui vient de se faire, constatera sans doute la présence en Algérie, les deux tiers environ sont actuellement Français de nationalité, et la moitié sont Français d’origine. Que l’élément italien et maltais figure pour une cinquantaine de mille âmes et l’élément espagnol pour 200 000 dans ces chiffres, ce ne doit pas être motif à critique ou à inquiétude. C’est la force des choses, des conditions démographiques qui font que nos colonies sont en premier lieu des colonies françaises et en second lieu des colonies (latines ; les mœurs, les croyances et les idées des différens groupes latins ont tellement d’analogies et de tendances communes que la juxtaposition de ces groupes ne produit pas nécessairement la mésentente et qu’elle doit, à la longue, se traduire en une fusion. Combien de contrées de l’Europe centrale ont des populations bien plus bigarrées ! Il faut tenir compte aussi de la plasticité, de la réceptivité bien connue de l’élément français, de sa force assimilatrice qui, en tout temps et en tout lieu, s’est montrée remarquable.

Ces différences ethniques de la population algérienne, soit totale, soit d’origine européenne, devraient, toutefois, induire notre gouvernement à certaines précautions et à une politique pleine de prudence et de ménagemens. C’est folie d’importer, dans ce milieu si différent du nôtre, toutes les lois de la France continentale et d’y transporter nos passions politiques. La France a déjà commis une très grande faute, qui portera atteinte à son influence et à son prestige, en mettant en vigueur en Algérie la loi contre les congrégations. Elle aggravera considérablement cette faute, si elle y applique la loi métropolitaine sur la séparation des Églises et de l’État. C’est une coupable folie, de la part d’un peuple colonisateur, de se priver ainsi de puissans moyens d’influence, de choquer les consciences et les sentimens d’une notable partie de la population,